Les incidents survenus sur la compagnie United Airlines et Air Canada il y a ont fait le buzz dans le monde entier, mais ont surtout permis d’attirer les projecteurs sur une pratique légale, mais largement contestée par l’opinion publique : la surréservation. Loin d’être nouveau dans le paysage, ce système fait partie intégrante du modèle économique des compagnies aériennes même si quelques-unes démentent y avoir recours. En fin de compte, cette pratique offre aussi certains avantages aux voyageurs et vous allez découvrir lesquelles. Je vous avoue même qu’il m’ait arrivé d’espérer que l’avion soit « trop plein », car on peut gagner vraiment gros !
Cette semaine j’ai enquêté et consulté des experts pour faire le point sur la surréservation. Quelles sont les compagnies à éviter ? Dans quel cas avez-vous plus de chances d’en être victime ? Quels sont les dédommagements que vous pouvez exiger ? Une chose est certaine, l’argent ne répare pas tous les préjudices et les compagnies aériennes vont désormais être plus vigilantes sur ce point. Il est même probable qu’United Airlines devienne un vrai modèle pour se racheter aux yeux des consommateurs.
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POURQUOI LA SURRESERVATION EXISTE-T-ELLE ENCORE ?
Le défenseur canadien des droits des voyageurs Gabor Lukacs qualifie de « rupture de contrat flagrante et délibérée » cette pratique de la surréservation, destinée à réduire les coûts d’exploitation des transporteurs aériens. Voilà le nerf du problème : l’argent ! Le paradoxe est qu’en fait la surréservation profite aux compagnies aériennes, mais aussi aux voyageurs. C’est grâce à cette pratique que les compagnies peuvent offrir des prix avantageux ! D’après les experts, environ 5 % des passagers ne se présenteraient pas le jour de leur vol (en moyenne). Faire voler un avion engendre des coûts fixes, donc autant qu’il soit plein. Chaque siège non utilisé est un manque à gagner. C’est en spéculant sur un taux de remplissage optimal que les compagnies aériennes réussissent à augmenter leurs marges de profits, mais aussi à faire des offres promotionnelles alléchantes.
Si on venait à interdire cette pratique, il y aurait certainement un impact sur les tarifs des vols offerts. J’imagine que vous n’avez pas envie de payer vos billets plus chers ? Et bien moi non plus ! Bien que la surréservation soit au cœur du scandale en ce moment, les compagnies ne semblent pas prêtes à l’abandonner. La pratique est d’ailleurs reconnue par l’Office des transports du Canada (OTC) et le gouvernement réfléchi à un projet de loi pour mieux encadrer et protéger les voyageurs en cas de surréservation.
COMMENT ÇA MARCHE ?
La surréservation est un fin stratagème dont l’acteur principal est l’ordinateur et l’acteur secondaire l’humain. Plusieurs paramètres sont étudiés pour calculer le pourcentage de surréservations « autorisées » sur un vol. Des algorithmes mettent en lien l’historique des vols (taux de remplissages, d’absents, etc.), mais aussi le type de passagers enregistrés. Sachez que vous avez un historique avec une compagnie aérienne. Si vous manquez souvent votre avion, la compagnie pourrait penser qu’il y a de fortes chances que vous ne preniez pas non plus votre prochain vol. C’est très rare qu’aucun passager ne se porte volontaire pour être reprogrammé sur un autre vol. Selon les chiffres du département américain du Transport, en 2015, les plus importantes compagnies américaines ont refusé l’embarquement à 0,09 % de leurs passagers, un pourcentage qui est en constante baisse depuis 20 ans.
« La surréservation est légale au Canada et aux États-Unis. Un client ne peut pas refuser d’être désigné, les lignes aériennes ont inclus ces conditions dans les termes et conditions de leur entente avec le client. » nous confie Jacob Charbonneau, fondateur de volenretard.ca
Dans le meilleur des cas et le plus fréquent aussi, à votre arrivée au comptoir d’enregistrement, on vous proposera l’option de reporter votre voyage moyennant une compensation financière ou un coupon à utiliser sur la compagnie d’une durée d’un an. Cela peut faire des heureux !
« Chaque situation est différente, mais en général, nous sommes en mesure de trouver des volontaires pour prendre un vol partant plus tard. Dans le cas contraire, nous basons notre décision sur d’autres facteurs : par exemple si le client doit prendre un vol de correspondance ou s’il est enregistré et a une place assignée. Ces décisions sont prises avant l’assignation finale des places et avant l’embarquement des passagers. » a expliqué Isabelle Arthur, Chef de service, Relation avec les médias pour Air Canada.
LES CONFIDENCES DES COMPAGNIES AÉRIENNES SUR LEUR STRATÉGIE DE SURRÉSERVATION …
WestJet, l’exemple ?
Dans une entrevue accordée à La Presse, Transat et WestJet affirment ne pas utiliser la méthode de surréservation. En contactant Wesjet, j’ai pu constater certaines nuances importantes à souligner. Il faut faire la différence entre les compagnies aériennes qui font intentionnellement de la surréservation, c’est-à-dire qui mise dessus pour maximiser leurs profits et celles qui le font par « concours de circonstances » pourrait-on dire. Dans ce dernier cas, la surréservation peut découler d’un problème dans les opérations.
« WestJet n’effectue jamais de surréservation de façon intentionnelle. Une surréservation intentionnelle a lieu pour compenser le fait que certains invités ne se présentent pas à l’embarquement ou qu’ils annulent leur vol à la dernière minute, ce que WestJet ne fait pas. Il arrive parfois que nous ayons un trop grand nombre d’invités pour le nombre de sièges disponibles parce que nous avons été dans l’obligation de troquer un avion plus large contre un plus petit. Il s’agit là d’une situation ponctuelle qui survient très rarement. Ceci n’est donc pas intentionnel. Il existe d’autres situations comme l’annulation de vols, qui surcharge donc les suivants, mais nous ne vendons pas plus de sièges que nous avons à bord. Nous sommes fiers de notre culture d’entreprise. » a précisé Lauren Stuart, chargée des relations média de WestJet.
Air Canada : oui, mais c’est pour la bonne cause !
Air Canada pratique la surréservation et considère tout comme moi qu’il y a aussi des avantages pour les passagers. La compagnie justifie le recours à cette pratique par les mots suivants :
« Les transporteurs peuvent utiliser la survente afin d’atténuer les conséquences de la défection de passagers et ainsi maintenir les coûts au minimum pour tous les clients. D’autre part, cela permet une plus grande souplesse dans la vente de billets, y compris de billets entièrement remboursables, ce que souhaitent de nombreux clients. Quand nous pratiquons la survente, nous faisons une estimation conservatrice et vendons un nombre de places inférieur au nombre de passagers défaillants prévu par les modèles historiques. Généralement, la tendance se maintient et il n’y a pas de problème. Mais il arrive parfois que des passagers soient transférés à un autre vol à la suite d’une survente. » a dévoilé Isabelle Arthur responsable des relations médias d’Air Canada.
Porter aurait d’après nos sources aussi recours à la surréservation.
Air France
La compagnie pratique aussi la surréservation mais un cas comme celui de United ne peut pas arriver nous a précisé Diane Audet, Chargée des communications Canada pour Air France. Selon elle, les cas de refus d’embarquement de passagers sur la liste d’attente sont très rares chez Air France. L’indemnisation est donnée pro-activement lors du traitement en aéroport. Le client n’a pas besoin d’écrire au service à la clientèle.
Si les passagers ne peuvent embarquer avec Air France:
Ils sont pris en charge par Air France. Le passager est pris en charge, hébergement, restauration et report sur Air France ou une autre compagnie. La politique commerciale d’Air France propose un abondement sous forme d’avoir:
Au départ de l’Europe, ce sont les règles européennes qui s’appliquent.
Au départ du Canada, les passagers se voient proposer un avoir de 800 CAD pour un prochain achat ou 400 CAD de compensation plus la prise en charge.
Précisions : aucune compagnie n’a souhaité nous remettre des chiffres concernant l’usage de cette pratique, le nombre de victimes ou encore le nombre de sièges vendus en plus par exemple.
QUELS SONT VOS DROITS ?
Jacob Charbonneau, fondateur de www.volenretard.ca nous fait partager ses connaissances. C’est le spécialiste à contacter si vous êtes victime d’un préjudice lié à une compagnie aérienne. Il connait vos droits et les défend afin que vous puissiez obtenir des compensations.
Aux U.S.A :
Impact de la surréservation sur l’heure d’arrivée | Indemnisation |
0 à 1 heure de retard à l’arrivée | 0 $ |
1 à 2 heures (domestique) ou 4 heures (international) de retard à l’arrivée | 200% de la valeur d’un trajet aller simple (max 650$ US) |
plus de 2 heures (domestique ou 4 heures (international) de retard à l’arrivée | 400% de la valeur d’un trajet aller simple (max 1 300$ US) |
Au Canada, puisqu’il n’y a pas de charte, chaque ligne aérienne offre sa propre indemnisation selon les jugements de l’Office des Transports du Canada et peut aller jusqu’à 800$ par passager nous a-t-il précisé.
Pour les vols du Canada vers l’Europe avec une ligne aérienne européenne ou de l’Europe vers le Canada avec toutes les lignes aériennes même canadienne : la compagnie aérienne doit fournir une assistance incluant la nourriture, l’accès à un téléphone, l’hébergement à l’hôtel (pour une ou plusieurs nuits, si nécessaire) et le transport taxi entre l’aéroport et l’hôtel.
Pour découvrir notre entrevue complète avec Jacob Charbonneau et tout savoir sur vos droits d’indemnisations en cas de surréservation, cliquez ICI. Vous apprendrez notamment sur quels vols cette pratique est la plus courante, si on peut négocier les indemnités et d’autres conseils judicieux.
COMMENT ÉVITER D’ÊTRE VICTIME DE SURRÉSERVATION ?
Surtout, enregistrez-vous en ligne ! La compagnie connaitra alors votre profil et la charge de vos bagages, cela peut compter dans la balance au moment où l’ordinateur ou un humain devra faire un choix.
Ne pas voyager seul : eh oui, on ne choisit pas toujours, mais il y aurait une liste de priorité sur certaines compagnies et les personnes seules seraient celles qui sont les plus ciblées. Si vous êtes aveugle, en couple, avec une chaine roulante et que vous avez une correspondance dans votre itinéraire, il est peu probable que vous soyez victime de ce préjudice. Les compagnies ne sont normalement pas si méchantes…
Voyager en classe affaires : les passagers de la classe affaires seraient peu touchés par le problème.
Vous portez volontaire : La meilleure façon de ne pas être victime c’est encore de prendre les devants et d’accepter l’indemnité avec le sourire. Si vous n’avez que quelques heures à attendre, vous pourriez utiliser l’argent pour faire du magasinage dans la zone hors taxes de l’aéroport !
VERDICT : POUR OU CONTRE LA SURRÉSERVATION ?
Je suis à 100% pour la surréservation quand cela est choisi et non imposé. Personnellement, j’ai toujours perçu la surréservation comme un bonus pour allonger le budget des vacances. Commencer son voyage en ayant la possibilité de se faire rembourser en partie ou en totalité son billet d’avion, c’est plutôt une bonne nouvelle. C’est certain qu’il faut aussi nuancer mes propos. S’il y a un seul vol semaine, je risque d’être moins enchantée par le principe. Je n’ai jamais entendu une hôtesse forcer quelqu’un à l’accepter. Les compensations sont habituellement suffisamment alléchantes. J’ai seulement été confronté 3 fois à une situation de surréservation. J’ai accepté une fois une indemnité de 150 euros en argent comptant sur un vol Paris-Rome, un petit bonus pour profiter sur place! En revanche, si vous voyagez un 23 décembre sur un vol Montréal-Paris, vous êtes certain d’emporter le jackpot ! Air France a déjà offert 1500 $ de certificat à utiliser ce qui peut vous payer presque deux aller-retour supplémentaires !
Si vous n’êtes pas trop pressé, n’hésitez pas à demander vous aussi aux agents en arrivant au comptoir d’enregistrement si l’avion est en surréservation et s’ils souhaitent vous faire une offre. Parfois, vous aurez juste à attendre quelques heures les prochains vols sans même bouger de l’aéroport.