Adam Oubuih est le nouveau directeur général d’Atout France.

8 questions à Adam Oubuih, nouveau directeur d’Atout France

De passage à Montréal, le nouveau dirigeant nous parle de tourisme durable, de régions méconnues et de ces « touristes parfaits » que sont les Québécois!


Depuis septembre dernier, Adam Oubuih est le nouveau directeur général d’Atout France. Sa nomination, pour un mandat renouvelable de cinq ans, « s’inscrit dans une volonté affirmée de renforcer l’action d’Atout France au service de la compétitivité et de l’attractivité de la destination France », indique la maison-mère de l’organe de promotion touristique français.

Fort d’un parcours alliant secteur public et privé, Adam Oubuih a exercé des fonctions de direction dans des environnements complexes, en France et à l’international. Il a ainsi piloté des stratégies d’investissement et de transformation pour des institutions majeures, comme la Caisse des Dépôts ou BNP Paribas, et dirigé des entités économiques consacrées aux services.

Son action a toujours été tournée vers la compétitivité des territoires, l’innovation et les transitions écologique et numérique – un indice de certaines des priorités qui risquent de l’animer, au cours des prochaines années.

Ancien élève de l’ENA, diplômé de l’ESSEC – une institution d’enseignement supérieur de renommée mondiale – et du Cycle des hautes études du service public, il porte une vision stratégique et partenariale du développement touristique, et il a à cœur de faire rayonner la destination France.

Lors de son récent passage à Montréal, nous l’avons attrapé entre deux événements pour lui poser quelques questions.

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Profession Voyages : Depuis votre entrée en fonctions, le mois dernier, votre séjour au Québec est le premier déplacement international que vous effectuez. Pourquoi ici?

Adam Oubuih : Ce n’est pas un hasard si j’ai choisi de venir à Montréal. En regardant les chiffres, je vois bien que le Québec est un marché crucial pour nous, et qu’il nous faut continuer de capitaliser sur nos relations structurelles, culturelles et historiques. Même si les résultats sont excellents, on peut et on doit faire mieux avec ce marché. Et à travers lui, on peut aussi mieux connaître et mieux comprendre le Canada dans son ensemble.

 

PV : Comment envisagez-vous votre mandat?

AO : D’abord, dès que je suis entré en fonctions, j’ai tout de suite été ravi par les équipes en place : elles sont efficaces, très mobilisées et connaissent fort bien le terrain.  Je me sens donc très bien encadré en partant. Ensuite, dans le cadre de mon mandat, je compte notamment jeter des ponts entre les cultures, ou continuer à le faire – entre la nôtre et la vôtre par exemple. Je suis né d’un père marocain et d’une mère française, et j’ai grandi à l’étranger. Par expérience, je peux vous assurer qu’il n’y a pas plus beau métier que celui qui permet de faire le pont entre les peuples.

Je compte aussi maintenir la compétitivité et l’attractivité de la destination France et en faire la référence internationale en matière de tourisme durable à l’horizon 2030.

 

PV : Pourquoi est-ce si important pour vous de mettre des efforts dans le développement du tourisme durable?

AO : C’est essentiel parce que si on veut que le tourisme continue de se développer, on ne peut pas faire abstraction de son empreinte ou de son acceptabilité par les populations. Pour moi, le tourisme durable compte trois composantes : économique, environnementale et sociale. Dans ce dernier cas, il faut se soucier de la façon dont un visiteur interagit avec les populations et partage l’espace public avec elles.

Je veux aussi que les visiteurs aient envie de revenir en France, c’est fondamental. J’en reviens aux ponts, ceux qu’on veut créer entre les touristes et les habitants des lieux visités, pour qu’il n’y ait pas de relation de conflit ou de lutte pour l’espace disponible. Si un touriste vit une mauvaise expérience parce que la population est excédée par les visiteurs – comme quand 50 personnes créent des bouchons pour se prendre en selfie –, ce n’est pas bon pour le tourisme ni pour la communauté d’accueil.

 

PV : Concrètement, comment peut-on atteindre la durabilité dans l’industrie touristique, en France?

AO : Il y a plusieurs façons. On peut déjà voyager durant les ailes de saison, c’est-à-dire en dehors des grandes périodes d’achalandage. À ce sujet, on remarque que de plus en plus de gens – dont des Québécois – choisissent de passer une partie de l’hiver sur la Côte d’Azur, au lieu d’aller aux États-Unis. C’est un juste retour du balancier parce que c’est en hiver que le tourisme a débuté à Nice, avec les visiteurs anglais qui ont commencé à venir s’y reposer et s’y ressourcer, aux 18e et 19e s.

On peut aussi encourager l’utilisation de moyens de transports décarbonés ou à moindre empreinte environnementale pour explorer le pays, comme la découverte des vignobles en vélo électrique, le cyclotourisme sur la ViaRhôna ou encore le train pour franchir de grandes distances ou explorer un département. Dans plusieurs régions de France, il est d’ailleurs très facile d’explorer les lieux par voie ferroviaire – c’est le cas en Occitanie par exemple.

 

PV : Voyager en des lieux moins connus ou moins fréquentés doit aussi favoriser le tourisme durable?

AO : Tout à fait, car ça permet de mieux répartir les flux de touristes et même d’améliorer leur expérience en leur évitant de séjourner dans des lieux plus fréquentés.  En France, il existe ainsi de nombreux lieux étonnants qui gagnent à être connus. Par exemple la Drome, d’où vient ma mère, offre par endroits une expérience qui s’apparente à celle de la Provence, avec ses champs de lavande, en plus de présenter une forte culture de la truffe. À Charleville-Mézières, la place Ducale est une copie exacte de la place des Vosges de Paris, car elle a été conçue par la même famille d’architectes. Et à 1 h 30 de Beaune, la magnifique ville d’Auxerre vaut le détour pour son architecture Second Empire.

Je pense aussi à des villes comme Nancy, capitale française de l’Art nouveau, ou à Metz, où l’étonnante Maison Heler a été aménagée sur le toit d’un immeuble. Le plus beau, c’est que le tourisme, dans ces villes ou régions moins fréquentées, génère une vraie activité économique qui fonctionne pour tout le monde. D’ailleurs, quand je parle budget avec les Parlementaires français, ceux qui proviennent des régions disent tous qu’ils aimeraient recevoir davantage de touristes chez eux. Au surplus, se déplacer dans ces coins de pays donne une image plus globale de la France, surtout chez ceux qui en ont déjà beaucoup vu chez nous.

 

PV : Est-ce qu’on doit en déduire que les Québécois, qui connaissent bien la France, sont un bon public pour explorer ces endroits moins connus?

AO : Absolument, puisqu’ils font partie des marchés où la clientèle est répétitive, et qu’ils apprécient découvrir d’autres aspect de la destination, lors des séjours subséquents. En fait, les Québécois forment l’une des clientèles les plus répétitives en France.

Je dirais même plus que pour nous, le touriste québécois est le touriste parfait : il est culturellement très proche de nous, il apprécie l’histoire et la bonne chère, il a envie de découvrir et de rencontrer l’autre, son comportement est respectueux et il laisse une bonne image auprès des populations locales.

 

PV : En 2024, sous l’impulsion des Jeux Olympiques, la France a accueilli un nombre record de visiteurs, soit 100 millions. Quelles sont les clientèles que la France peut encore aller chercher après un tel succès?

AO : Comme je le disais plus tôt, celle des longs séjours l’hiver a un bon potentiel, d’autant plus qu’au cours des prochaines années, la proportion des gens qui prendront leur retraite ne va pas diminuer.

Des créneaux bien nichés, comme celui du tourisme sportifs – aller voir des matchs de football [soccer] ou de rugby par exemple – sont aussi prometteurs. Je pense aussi au spiritourisme, pour découvrir les distilleries bretonnes ou la région de Cognac durant l’hiver par exemple. C’est une expérience qui sort de l’ordinaire et qui cadre bien mieux, en plus, avec le climat de cette période de l’année. En Martinique et en Guadeloupe, les circuits de dégustation de rhum sont déjà populaires mais ils pourraient l’être plus. Dans tous ces cas, l’histoire, les traditions et les savoir-faire sont des éléments recherchés par les visiteurs, et sur lesquels on peut également jouer pour promouvoir ces régions.

 

PV : Pour conclure, quels conseils donneriez-vous aux agents de voyages québécois pour mieux vendre la France?

AO : D’abord, ils peuvent continuer à jouer sur les composantes fondamentales de la France pour ceux qui en sont à leur première visite, à commencer par la culture, la gastronomie, l’héritage, le patrimoine, l’accueil…

Ensuite, pour ceux qui sont déjà venus une ou plusieurs fois, on pourra proposer de nouvelles expériences, des lieux moins connus. Car ce qu’il y a de vraiment bien avec le tourisme en France, c’est que même lorsqu’on sort des sentiers battus, on retrouve toujours toutes ces mêmes composantes fondamentales, peu importe où l’on va.