De plus en plus de Québécois et de Canadiens crient haut et fort qu’ils ne voyageront plus aux États-Unis. Mais qu’en est-il chez les conseillers? Plusieurs se prononcent.
N’en déplaise au report, hier, de l’entrée en vigueur des tarifs de 25 % sur plusieurs produits canadiens aux États-Unis, le mal est fait et le lien de confiance est brisé.
Pire, dans certains cas, un sentiment de hargne est en train de naître au Québec et au Canada à l’égard des États-Unis, depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche.
En fait, avant même son entrée en fonctions, bien des Québécois et des Canadiens – à commencer par les Snowbirds – remettaient en question l’à-propos de leur séjour au pays de l’Oncle Sam, en 2025 et au-delà, comme en fait foi cet article de La Presse.
Hier, TVA Nouvelles soulignait qu’à l’approche de l’imposition des tarifs, la grogne s’était d’autant plus intensifiée, tandis que Le Devoir rapportait les mesures que comptaient prendre les Québécois, parmi lesquelles figuraient le boycott de tout séjour aux États-Unis jusqu’à nouvel ordre.
Et dans les agences?
Plusieurs agences de voyages québécoises et canadiennes font état d’annulations ou d’hésitations, depuis le mois de janvier.
« J’ai eu des annulations cette semaine avec du 100 % non remboursable pour des clients qui ne veulent absolument pas aller encourager ce gouvernement malade », confie une conseillère québécoise sur le Groupe des professionnels du voyage, sur Facebook.
« Selon moi, les gens vont accepter de payer plus cher juste pour éviter les États-Unis dans les prochains mois, avance un autre conseiller québécois sur ce même groupe de discussion. Ensuite ils vont “oublier” et vont vouloir y retourner. C’est le bon moment pour surfer sur la vague et promouvoir d’autres produits. »
« Beaucoup de clients nous disent qu’ils vont reporter leurs réservations d’été jusqu’à ce qu’ils voient l’impact des tarifs douaniers, constate pour sa part Robert Townsend, un conseiller en voyages de Toronto. Certains ont dit qu’ils allaient attendre l’année prochaine pour voyager, tandis que d’autres préfèrent voir comment la situation évoluera. Tout le monde s’inquiète des répercussions économiques, et les achats discrétionnaires, comme les vacances, seront assurément affectés. Il y a une forte tendance à éviter les voyages aux États-Unis. »
Un dollar de plus en plus faible
« Il est encore trop tôt pour dire quel sera l’impact exact, mais la menace des tarifs affectera probablement les projets de voyage des gens, croit Sandra McLeod, une conseillère de LaSalle, ON. Avec la baisse du dollar canadien, l’ajout et la plupart des voyages facturés en dollars US, les Canadiens ressentiront inévitablement l’impact financier. Le prix des voyages pourrait ne pas augmenter, mais il coûtera plus cher en dollars canadiens. »
D’autres ont carrément décidé de plus proposer les États-Unis à leurs clients, comme en témoigne une agente du Groupe des professionnels du voyage qui dit « commencer par ne pas promouvoir » et « réfléchir pour le reste ».
Oui mais…
Face à la suggestion d’un conseiller qui disait ne plus vouloir vendre les États-Unis à ses clients, une autre conseillère a rétorqué « qu’il faut faire attention entre nuire à l’économie américaine et nuire à notre économie, dit-elle. Dans le cas d’un client qui veut se rendre aux États-Unis, tu lui vends Air Canada ou Air Transat, et non pas American ou United. Elle est là la principale différence. On ne peut pas tuer l’économie en général, il faut bien cibler. »
Sans pour autant rejeter l’idée d’un boycott, d’autres conseillers font entendre un autre son de cloche. « C’est tellement difficile d’avoir de valeurs et des principes et d’y tenir, fait ainsi valoir une autre conseillère sur le Groupe des professionnels du voyage. Il y a plein d’endroits au monde où les droits des humains sont bafoués, où les gouvernements font n’importe quoi avec leur peuple. Et personne ne s’empêche de les vendre ou d’y aller! Aujourd’hui, vu que c’est nous qui sommes touchés, nous avons un autre discours. Ça mérite réflexion. »
Des alternatives disponibles
« Avec le dollar canadien à son plus bas niveau en quatre ans, les habitudes de voyage évoluent, constate pour sa part Anita Emilio, vice-présidente d’une agence ontarienne. Les Canadiens réfléchissent attentivement à l’endroit – et à la manière – dont ils dépensent leur budget voyage. Des destinations abordables et riches culturellement comme le Japon, la Corée du Sud, le Portugal et l’Asie du Sud-Est attirent l’attention, tandis que les voyages domestiques connaissent un regain de popularité alors que les Canadiens redécouvrent la richesse des expériences disponibles plus près de chez eux. »
De son côté, Robert Townsend souligne qu’il a commencé à proposer des alternatives canadiennes aux destinations américaines : Calgary au lieu de Denver pour le ski; le Nouveau-Brunswick au lieu du Maine; Puerto Vallarta au lieu de Miami; Toronto au lieu de Chicago ou New York.
De l’importance des conseillers
Dans tout ce climat d’incertitude, les conseillers pourraient bien en sortir gagnants. « Qu’il s’agisse d’un voyage à travers le monde ou de l’exploration de trésors locaux, faire appel à des conseillers en voyages expérimentés permet de garantir des expériences réfléchies et personnalisées qui maximisent chaque dollar dépensé », estime Anita Emilio.
« Plusieurs de mes clients sont inquiets et sensibles au mouvement actuel du boycott des États-Unis, rapporte une autre conseillère québécoise sur le Groupe des professionnels du voyage. Notre rôle devient encore plus important afin de bien les guider dans leur processus décisionnel. On a d’autres produits à offrir… il nous appartient de nous adapter et d’être créatifs. »
« En tant que conseillère en voyages spécialisée dans le luxe, j’aide mes clients à vivre une vie épanouissante grâce aux voyages – parce que, peu importe les nouvelles, voyager est toujours la meilleure thérapie, dit pour sa part Sheila Gallant-Halloran, agent de voyages d’Ottawa. Si jamais il y a un moment pour réaliser son voyage de rêve, c’est maintenant – avant qu’un nouvel événement politique ou un retournement du marché ne vienne interférer. »
De l’incompréhension à la colère
Pour conclure, une conseillère rappelle une partie des raisons qui expliquent la volonté des voyageurs canadiens d’en découdre touristiquement avec les États-Unis.
« Nous avons été parmi les meilleurs voisins qu’ils pouvaient espérer, poursuit Sandra McLeod. Nous les avons aidés lors du 11 septembre, de l’ouragan Katrina, des incendies, des inondations… Le Canada envoie immédiatement des soldats, des pompiers et d’autres secouristes pour aider, et de nombreux Canadiens se sont rendus aux États-Unis ou ont envoyé des biens pour leur venir en aide quand il le fallait. Je pense que beaucoup de Canadiens sont en colère contre la façon dont les États-Unis nous traitent. »