Face à ce qu’il considère comme une impasse, le transporteur envisage de demander un arbitrage exécutoire et obligatoire au gouvernement fédéral.
Le 12 août, Air Canada a annoncé que les négociations avec le Syndicat canadien de la fonction publique, qui représente les agents de bord d’Air Canada, sont dans une impasse.
Air Canada estime que les pourparlers sont dans une impasse, après que le syndicat a présenté une contre-offre demandant « des augmentations salariales exorbitantes, supérieures à celles proposées précédemment », dit-il, et rejeté aujourd’hui l’offre d’Air Canada de recourir à l’arbitrage d’un tiers.
« Air Canada négocie avec le SCFP depuis huit mois et, bien que nous ayons réglé de nombreux points, dont aucun n’a exigé de concessions, nous restons très éloignés sur des questions clés, a déclaré Arielle Meloul-Wechsler, vice-présidente générale et chef des Ressources humaines et des Affaires publiques d’Air Canada.
Le transporteur s’est dit déçu que sa proposition « de régler équitablement les points en suspens par voie d’arbitrage ait été rejetée par le syndicat, qui insiste plutôt sur des augmentations de salaire exorbitantes », assure-t-il.
Bientôt un arbitrage obligatoire?
Air Canada examine toutes les options restantes, y compris une demande d’arbitrage imposé par le gouvernement, afin de prévenir une interruption des activités.
En cas de perturbation, les vols d’Air Canada Express exploités par Jazz ou PAL Airlines continueront d’être assurés normalement, car leurs services sont fournis par des entreprises tierces. Cependant, ces partenaires régionaux ne transportent qu’environ 20 % des clients quotidiens d’Air Canada.
Air Canada et Air Canada Rouge transportent environ 130 000 clients par jour, lesquels pourraient être touchés par une perturbation, ce qui inclut les 25 000 Canadiens que le transporteur ramène de l’étranger chaque jour, et qui pourraient être bloqués.
Offre d’Air Canada
Le 11 août, Air Canada a déposé auprès du syndicat un règlement global révisé qui prévoyait une augmentation de la rémunération globale de 38 % sur quatre ans, dont 25 % la première année, et ne demandait aucune concession de la part du syndicat en retour.
L’offre portait également sur la question de la rémunération pour le service au sol, l’amélioration des prestations de retraite et des avantages sociaux, l’augmentation des périodes de repos des équipages, ainsi que d’autres améliorations, dont celles visant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
La proposition de règlement contractuel global d’Air Canada ferait de ses agents de bord les mieux rémunérés au Canada, assure le transporteur. La rémunération et les avantages sociaux des agents de bord d’Air Canada se composent de plusieurs éléments, notamment le salaire de base, les primes incitatives, un régime de retraite, des avantages sociaux, des congés de maladie cumulables et des congés annuels payés.
« Le recours à l’arbitrage exécutoire par le gouvernement constitue une solution reconnue afin d’éviter une perturbation colossale pour les voyageurs, indique le transporteur. À cet effet, la Société demandera officiellement au gouvernement canadien d’utiliser ses prérogatives afin d’ordonner un tel arbitrage en vertu de l’article 107 du Code canadien du travail. Le transporteur estime que les récentes interventions gouvernementales dans les conflits de travail dans les secteurs ferroviaire, portuaire et aérien au Canada constituent un précédent.
Réplique du syndicat
Wesley Lesosky, président de la Composante d’Air Canada du SCFP, a fait la déclaration suivante au sujet de la proposition d’Air Canada de mettre fin à la négociation.
« Après neuf mois durant lesquels la compagnie aérienne a fait traîner les négociations sur des questions fondamentales – le travail non payé et les salaires de misère – le syndicat a sondé ses membres et a obtenu un mandat de grève historique de 99,7 %. Les agent(e)s de bord se sont mobilisé(e)s par centaines dans des aéroports partout au pays lors de la Journée d’action du 11 août, affichant une solidarité exemplaire. »
« Air Canada a bien vu à quel point les agent(e)s de bord sont déterminé(e)s et uni(e)s en revendiquant la fin du travail non payé et une véritable augmentation salariale alignée sur le coût de la vie. »
« Maintenant, Air Canada a décidé qu’elle ne veut plus négocier, poursuit le dirigeant syndical. L’entreprise préfère aller en arbitrage plutôt que de rester à la table de négociation et s’entendre sur un nouveau contrat de travail. Tout le monde sait que les meilleures ententes se concluent à la table de négociation et non pas en étant imposées par une tierce partie. Alors pourquoi Air Canada veut-elle que le syndicat accepte l’arbitrage? »
Rompre le statu quo
Pour le syndicat, les arbitres se basent sur les précédents et le statu quo pour rendre leurs décisions. « Or, les agents de bord d’Air Canada veulent rompre avec le statu quo et mettre fin à l’abus tant répandu du travail non rémunéré dans le secteur du transport aérien, postule-t-il. Air Canada veut qu’un arbitre fasse le sale boulot pour elle et maintienne le statu quo. »
En outre, puisque la décision d’arbitrage serait finale, les syndiqués n’auraient pas l’occasion de se prononcer sur cette décision. « Air Canada veut recourir à l’arbitrage pour retirer à nos membres leur droit de vote démocratique », assure le syndicat.
Pour conclure, le syndicat précise que selon lui, « la dernière offre d’Air Canada est inférieure à l’inflation, inférieure à la valeur du marché, inférieure au salaire minimum et continue de laisser les agent(e)s de bord sans rémunération pour de nombreuses heures de travail. »
Le Conseil du patronat sonne l’alarme
De son côté, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) se dit « très préoccupé par la possibilité d’un arrêt de travail. »
« L’impasse dans les négociations chez Air Canada, à la veille d’un possible avis de grève ou de lock-out, menace directement notre économie : tourisme paralysé, mobilité compromise, commerce international freiné », indique cette confédération de 100 associations sectorielles et membres corporatifs.
« Dans un contexte économique fragile, nous ne pouvons pas nous permettre un tel choc, poursuit le CPQ. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre, le gouvernement fédéral doit intervenir pour éviter un nouveau conflit de travail dans le secteur des transports », conclut Marie-Claude Perreault, présidente et cheffe de la direction par intérim du CPQ.