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Tarification à deux vitesses au Japon : quel impact sur les réservations?

 Si certains craignent des réactions négatives face à ce nouveau programme, des voyagistes assurent que ces hausses de prix ne devraient pas freiner la demande.


Le Japon se prépare à une nouvelle ère de gestion du tourisme avec le déploiement progressif d’un système de tarification différenciée, qui verra les touristes payer plus cher que les Japonais pour accéder à certaines attractions.

Si la tarification à deux vitesses est courante dans de nombreuses destinations dans le monde, il s’agit d’un changement notable pour le Japon, qui a traditionnellement offert un accès universel aux mêmes tarifs à ses sites culturels.

Selon Priscilla Portsmouth, directrice principale adjointe au bureau torontois de l’Office national du tourisme japonais, ce changement répond à un boum touristique sans précédent.

« De janvier à juin 2025, le Japon a accueilli 21,5 M visiteurs, soit une hausse de 21 % par rapport à la même période en 2024, confie-t-elle. L’an dernier s’est terminé avec un record de 36,9 M visiteurs, et nous nous attendons à dépasser ce chiffre cette année. »

 

Le Canada suit la vague

Les arrivées canadiennes suivent la même tendance. « Entre janvier et juin 2025, nous avons reçu 335 400 Canadiens, en hausse de 23 % par rapport à 2024, précise Mme Portsmouth. L’an dernier, nous avons clôturé avec un record de 579 445 visiteurs canadiens, en hausse de 36 % par rapport à 2023 ».

Elle attribue cette croissance à des taux de change favorables, à l’augmentation du nombre de vols depuis plusieurs villes canadiennes et à la fidélité des voyageurs qui reviennent au Japon.

Mais cette vague de visiteurs suscite de plus en plus d’inquiétudes concernant le surtourisme, particulièrement dans des villes très fréquentées comme Kyoto et Tokyo.

« Kyoto a toujours été un immense pôle d’attraction, tant pour les touristes internationaux que domestiques, explique Mme Portsmouth. C’est une petite ville qui n’a ni l’espace, ni les infrastructures d’une mégalopole comme Tokyo, donc il est difficile d’y gérer la congestion. Cela dit, le surtourisme ne touche pas tout le pays : de nombreuses régions demeurent paisibles et peu fréquentées. »

 

Nouveau système, contrôle local

La stratégie de tarification différenciée du Japon n’est pas une initiative gouvernementale nationale, mais une série de décisions locales prises par les dirigeants des attractions eux-mêmes, ajoute Portsmouth.

« Certains peuvent l’utiliser comme moyen de réduire l’affluence touristique, dit-elle. D’autres, comme le château de Himeji, sont des sites historiques qui prévoient investir les revenus supplémentaires dans la réparation et l’entretien. »

L’application des règles varie donc largement : par exemple, Junglia Okinawa, un parc thématique inauguré cet été, applique déjà une tarification différenciée. De son côté, le château de Himeji commencera sa tarification spécifique pour touristes en mars 2026. « Si davantage d’attractions suivent, nous pourrions voir un changement de comportement touristique, mais pour l’instant, l’impact est minime », ajoute Mme Portsmouth.

Celle-ci reconnaît le risque de critiques, mais invite les voyageurs à relativiser. « Dans de nombreux sites historiques japonais, le prix d’entrée est très bas, voire gratuit. L’entrée pour adulte au château de Himeji est de 1 000 JPY — environ 10 $. Même avec une hausse de 150 %, les touristes paient moins de 25 $, ce qui reste bien inférieur au coût de nombreuses attractions au Canada. Et il existe de nombreuses alternatives intéressantes dont le prix n’a pas du tout changé. »

 

Prudence mais optimisme chez les voyagistes

Pour les voyagistes, l’impact du nouveau modèle de tarification devrait rester relativement modeste — du moins pour l’instant.

Kenny Onishi, directeur général du Japon chez Intrepid Travel, s’attend à « un impact limité » sur le prix global des circuits. « Certaines de nos itinéraires incluent des attractions emblématiques concernées, mais nos voyages visent à équilibrer ces temps forts avec des régions moins connues et riches culturellement. Nous suivons de près l’évolution et restons transparents avec nos voyageurs. »

Intrepid a déjà pris des mesures en développant des itinéraires hors des sentiers battus, comme un nouveau circuit dans le nord du Japon et à Hokkaido, en dehors de la « Route d’Or » (Tokyo–Kyoto–Osaka). L’entreprise propose aussi des promotions limitées dans le temps, comme sa vente mondiale annuelle (jusqu’au 31 août) offrant jusqu’à 20 % de rabais sur certains départs 2025.

Moira Smith, vice-présidente Asie chez Goway, partage un avis similaire. « Pour les réservations FIT, nous répercutons directement la hausse modeste de 10 à 30 $ US par attraction, ce qui représente moins de 1 % du coût moyen d’un voyage au Japon chez Goway. Pour nos circuits de groupe signature, comme Japan Odyssey, nous absorbons entièrement ces coûts. »

 

Des clients protégés

De son côté, Stephanie Brooks, vice-présidente produit et opérations du groupe Globus, assure que la structure tarifaire de l’entreprise protège les clients. « Nos tarifs de circuits sont fixes., dit-elle. Toute modification appliquée par les destinations, comme ce système de tarification différenciée, n’affecte pas nos clients. »

Globus mise également sur le voyage hors saison pour réduire l’affluence tout en offrant davantage à ses clients pour le prix payé. « Nous avons récemment lancé Japan Escape, un programme automne-hiver permettant aux voyageurs de découvrir le pays dans une atmosphère plus paisible », ajoute-t-elle.

 

Impact minimal

Aucun des voyagistes que nous avons interrogés ne prévoit que ce nouveau système tarifaire ait un impact significatif sur la demande.

« Le Japon reste une destination au rapport qualité-prix exceptionnel, affirme Moira Smith. Cette tarification différenciée s’inscrit dans une démarche réfléchie de tourisme durable — protéger les sites emblématiques tout en gérant les foules et en préservant ces trésors pour les générations futures. Franchement, les hausses sont négligeables comparées à l’investissement global du voyage. »

Stephanie Brooks ajoute que les clients de Globus et de Cosmos pourraient même en tirer avantage. « Avec ce système visant à réduire les foules, ils pourraient profiter de moins d’affluence dans les attractions phares. »

Pour sa part, Kenny Onishi ne s’attend pas non plus à une chute notable de la demande, mais prévoit un ajustement dans les comportements. Les voyageurs au budget serré pourraient écourter leur séjour ou reconsidérer leur projet, dit-il, mais dans l’ensemble, le Japon restera une destination incontournable.

« Si les critères sont clairs — basés sur la résidence plutôt que sur l’apparence ou la langue — et que les hausses sont liées à des bénéfices concrets comme la préservation culturelle ou la gestion des foules, la plupart des voyageurs comprendront et accepteront ces changements », de conclure le directeur.

 

Rester informé

Malgré l’incertitude entourant le déploiement complet de ce nouveau système tarifaire, le message de l’Office du tourisme et des voyagistes est clair : le Japon continue d’offrir une valeur exceptionnelle et des expériences inoubliables.

Priscilla Portsmouth encourage les conseillers en voyages à promouvoir les destinations méconnues du Japon et à inspirer les voyageurs à sortir des sentiers battus — ce qui est facile grâce à une infrastructure de transport public de renommée mondiale. « Avec un réseau aussi étendu et pratique, il n’a jamais été aussi simple d’explorer autrement. »

Elle recommande aussi aux conseillers de rester informés grâce à la page What’s New de l’Office national du tourisme du Japon et à son infolettre, qui présentent de nombreux joyaux cachés au-delà de la Route d’Or.

« Nous sommes ravis que les touristes affluent du monde entier pour découvrir les charmes du Japon, mais nous voulons éviter qu’ils repartent déçus de leur expérience, conclut-elle. C’est pourquoi nous les encourageons à explorer hors des circuits classiques : le Japon regorge de trésors uniques, partout où l’on regarde. »

Info : japan.travel/en/ca/news

La version originale en anglais de cet article est parue initialement dans l’édition du 28 août de Travelweek.