États-Unis : bientôt un filtrage des réseaux sociaux sur 5 ans pour des voyageurs?

Les ressortissants de trois douzaines de pays qui participent au programme d’exemption de visa devraient ainsi soumettre ces informations à l’administration Trump.


Il n’y a pas à dire, en matière de promotion touristique, ce « génie stable » qu’est Donald Trump n’en manque pas une, quand il s’agit d’aggraver la situation. Si bien qu’on finit pas se demander quels sont les intérêts qu’il sert vraiment?

Hier, on apprenait ainsi que les étrangers autorisés à se rendre aux États-Unis sans visa pourraient bientôt être tenus de fournir des informations sur leurs comptes de réseaux sociaux, leurs adresses courriel et un historique familial détaillé au département de la Sécurité intérieure, avant d’obtenir l’autorisation de voyager.

Tout ça alors que le pays s’apprête à organiser une série d’événements internationaux d’envergure pour lesquels des millions de touristes sont étaient attendus, des 250 ans des États-Unis aux Jeux olympiques en passant par la Coupe du monde de soccer.

 

De 5 à 10 ans d’informations personnelles à scruter

L’avis publié mercredi dans le Federal Register indique en effet que la Customs and Border Protection propose de collecter cinq années d’informations liées aux réseaux sociaux auprès de voyageurs de certains pays exemptés de visa pour entrer aux États-Unis.

L’annonce concerne les voyageurs provenant de plus de trois douzaines de pays qui participent au programme d’exemption de visa et soumettent leurs données au système électronique d’autorisation de voyage (ESTA), lequel les vérifie automatiquement avant d’approuver leur déplacement vers les États-Unis. Contrairement aux demandeurs de visa, ils n’ont généralement pas besoin de se rendre à une ambassade ou un consulat pour un entretien.

Le Department of Homeland Security (DHS) administre ce programme, qui permet présentement aux citoyens d’environ 40 pays — principalement européens et asiatiques — de se rendre aux États-Unis pour tourisme ou affaires pendant trois mois sans visa.

L’annonce précise également que l’agence demanderait une liste d’autres informations, notamment les numéros de téléphone utilisés au cours des cinq dernières années ou les adresses courriel utilisées au cours des dix dernières années.

Seraient aussi requis les métadonnées des photos soumises électroniquement, ainsi qu’un ensemble étendu de renseignements sur les membres de la famille du demandeur, incluant leurs lieux de naissance et leurs numéros de téléphone.

Le formulaire que les voyageurs doivent remplir pour participer à l’ESTA pose un ensemble de questions plus limité, comme les noms des parents et l’adresse courriel actuelle.

 

Un problème? Où ça un problème?

Interrogé lors d’un événement à la Maison-Blanche sur une éventuelle incidence sur le tourisme aux États-Unis, Trump a répondu par la négative. « Nous voulons la sécurité, nous voulons être sûrs de ne pas laisser entrer de mauvaises personnes dans notre pays », a-t-il déclaré.

Le public dispose de 60 jours pour commenter les changements proposés avant leur entrée en vigueur, selon l’avis.

Le CBP a souligné mercredi dans un communiqué que la règle n’est pas encore en vigueur et n’a pas été finalisée.

« Rien n’a changé pour ceux qui viennent aux États-Unis, de préciser l’agence. Il ne s’agit pas d’une règle finale, seulement d’une première étape pour lancer une discussion sur de nouvelles options politiques visant à assurer la sécurité du peuple américain », a précisé l’agence.

« Le département examine constamment la manière dont nous vérifions les personnes entrant dans le pays, surtout après l’attentat à Washington, D.C.,contre notre Garde nationale juste avant l’Action de grâce », poursuit le communiqué.

L’annonce ne précise pas ce que l’Administration Trump cherche dans les comptes de réseaux sociaux ni pourquoi elle demande davantage d’informations.

 

Une règle déjà partiellement en vigueur

L’agence affirme se conformer à un décret signé par Trump en janvier, qui exige un filtrage renforcé des personnes entrant aux États-Unis afin d’empêcher l’admission de menaces potentielles à la sécurité nationale.

Les voyageurs issus de pays qui ne participent pas au Programme d’exemption de visa sont déjà tenus de fournir leurs informations de réseaux sociaux, une politique qui remonte à la première administration Trump. Elle est demeurée en vigueur sous le président démocrate Joe Biden.

Mais les citoyens des pays exemptés de visa n’avaient pas à se soumettre à cette obligation jusqu’à présent.

 

Des contrôles renforcés

Depuis janvier, l’administration Trump a renforcé les contrôles sur les immigrants et les voyageurs, tant ceux cherchant à entrer dans le pays que ceux qui s’y trouvent déjà.

Les autorités ont durci les règles relatives aux visas, exigeant que les demandeurs rendent tous leurs comptes de réseaux sociaux publics pour qu’ils puissent être plus facilement examinés et vérifiés afin d’y déceler ce que les autorités considèrent comme des informations potentiellement problématiques.

Refuser de rendre un compte public peut être invoqué comme motif de refus de visa, selon les directives du département d’État.

Les services de citoyenneté et d’immigration des États-Unis examinent désormais si un demandeur à un bénéfice, comme une carte verte, a « soutenu, favorisé ou approuvé » des positions antiaméricaines, terroristes ou antisémites.

L’intérêt croissant pour le filtrage des réseaux sociaux suscite des préoccupations parmi les défenseurs des droits des immigrants et de la liberté d’expression concernant ce que recherche l’administration Trump et sur le risque que ces mesures visent des personnes critiques de l’administration, en portant atteinte à la liberté d’expression.