Forum virtuel d’ACTA: impacts des tarifs douaniers et prochaines étapes à venir

La guerre commerciale déclenchée par les États-Unis contre le Canada était le seul point à l’ordre du jour lors du Forum sur la protection des intérêts des conseillers, hier.


Avec l’escalade des tensions commerciales entre le Canada et les États-Unis, les conseillers en voyages canadiens se préparent à des répercussions économiques, sans aucune annonce du gouvernement fédéral quant à un éventuel soutien financier.

Lors de son Forum sur la protection des intérêts des conseillers, tenu hier en assemblée virtuelle, Wendy Paradis, présidente de l’ACTA, et Avery Campbell, directeur du plaidoyer et des relations avec l’industrie, n’ont pas mâché leurs mots en évoquant les récents tarifs douaniers imposés par les États-Unis au Canada, qualifiant la situation de « significative et grave ».

Tout en soulignant que 76 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis et que ce pays représente la première destination des voyageurs canadiens, Avery Campbell a averti que si ces tarifs étaient appliqués et maintenus, ils auraient des effets irréversibles sur l’économie canadienne et, par extension, sur l’industrie du voyage.

 

Des pertes à long terme?

« À long terme, nous nous attendons à une augmentation significative du nombre de Canadiens modifiant leurs intentions de voyage en évitant les États-Unis, avec une participation accrue au mouvement actuel de boycott », estime Avery Campbell.

« De plus, poursuit-il, l’ensemble de notre pays sera touché économiquement par cette situation. Cela pourrait créer un contexte où les Canadiens auront un revenu disponible réduit pour voyager et où les entreprises pourraient restreindre leurs déplacements d’affaires. On s’attend donc à une baisse générale des voyages si la situation perdure ou s’aggrave. »

 

Un programme de 6,5 G $, avec ou sans conseillers?

Pour aider les entreprises et les travailleurs canadiens à traverser cette période, le gouvernement du Canada a annoncé la semaine dernière un programme d’aide de 6,5 milliards de dollars, appelé Programme d’impact commercial.

Toutefois, comme le souligne Avery Campbell, cette aide sera principalement destinée aux « manufacturiers, au secteur agricole et aux exportateurs ». On ignore encore si des fonds seront alloués à l’industrie et aux conseillers en voyages, et il faudra attendre la reprise des travaux de la Chambre des communes, après les élections générales, pour le savoir.

« À ce stade-ci, nous ne croyons pas qu’il existe des programmes d’aide spécifiques à notre secteur, explique Avery Campbell. Nous allons bientôt entrer en période électorale, et une fois la situation clarifiée et le Parlement de retour en session, le gouvernement du Canada pourra mettre en place de nouveaux soutiens. Mais pour l’instant, nous ne savons même pas qui formera le prochain gouvernement. »

 

Des impact économiques réels

Le 1er février 2025, Donald Trump a signé un décret imposant un tarif douanier de 25 % sur toutes les exportations canadiennes vers les États-Unis, avec une taxe réduite de 10 % pour les produits énergétiques.

Cette mesure, initialement prévue pour entrer en vigueur le 4 février, a été reportée au 4 mars, avec des mesures supplémentaires, incluant une taxe de 25 % sur l’aluminium et l’acier canadiens. Le 11 mars, le président Trump a doublé la taxe sur l’aluminium et l’acier canadiens, la portant à 50 %, avec effet immédiat, avant de rétablir les tarifs de 25 %.

Citant Mark Miller, ministre canadien de l’Immigration et de la Citoyenneté, Avery Campbell indique que si le tarif forfaitaire de 25 % est maintenu, un million d’emplois pourraient être perdus au Canada, soit 4 % de la main-d’œuvre. De plus, une analyse réalisée par la Banque du Canada le 21 février a révélé que sous un régime de tarifs douaniers de 25 %, le PIB du Canada enregistrerait une perte de 3 % à long terme.

 

Une situation différente de la pandémie 

« Cette situation est très différente de celle de la pandémie, qui avait entraîné une contraction de 1,3 % du PIB, poursuit Avery Campbell. Mais après les fermetures liées au COVID, l’économie avait rebondi, les gens recommençaient à voyager et à dépenser. »

« Or, l’impact des tarifs douaniers et de la guerre commerciale va provoquer un découplage systémique et durable entre les économies canadienne et américaine, craint Avery Campbell. Si ces tarifs se prolongent, il n’y aura pas de rebond et nous assisterons à une perte durable de la production économique. »

 

Impact sur les voyages et autres préoccupations

Les tarifs imposés par les États-Unis affectent déjà les voyages des Canadiens. Statistique Canada rapporte ainsi une baisse de 14,5 % du nombre total de voyageurs canadiens se rendant aux États-Unis par voie terrestre et aérienne en février.

De plus, selon un rapport de Léger publié en février dernier, 48 % des Canadiens prévoient présentement éviter les États-Unis, et ce chiffre est monté à 65 % selon un sondage Ipsos à la fin du mois. Enfin, les dernières données de GPS Market indiquent que 73 % des Canadiens ont l’intention d’éviter les États-Unis si la situation perdure.

 

D’autres décrets embêtants

Trois autres décrets signés par le président Trump le 20 janvier 2025 pourraient également avoir des conséquences importantes sur le secteur du voyage.

  1. Un décret prévoit la publication d’une liste de pays dont les ressortissants seront interdits d’entrée aux États-Unis, similaire à l’ancien « Muslim Ban » mis en place lors du premier mandat de Trump. Cette liste est attendue pour le 21 mars.
  2. Un autre décret prévoit une recommandation d’ici 90 jours sur l’éventuelle invocation de l’Insurrection Act, qui permettrait d’accorder des pouvoirs policiers à l’armée et d’instaurer une loi martiale. La période de 90 jours se termine le 20 avril.
  3. Enfin, un décret stipule que les États-Unis ne reconnaîtront que les sexes masculin et féminin, ce qui affectera les voyageurs transgenres et non binaires. « Pour l’instant, et selon nos échanges avec le gouvernement canadien, nous comprenons que les Canadiens ayant un marqueur de genre ‘X’ ou un marqueur différent de leur sexe assigné à la naissance peuvent toujours entrer aux États-Unis. Toutefois, le président a fixé un délai de 120 jours pour réévaluer cette politique, avec une décision attendue le 20 mai », précise Avery Campbell.

 

L’aide de l’ACTA, la contribution des conseillers

L’ACTA suit de près l’évolution de la situation. L’organisation rencontre chaque semaine le ministère des Finances et Affaires mondiales Canada et elle a tenu des réunions avec l’ambassade canadienne à Washington. Elle collabore également avec ses homologues états-uniens (ASTA, USTA) et internationaux (WTAAA) ainsi qu’avec les parties prenantes de l’industrie, comme le Canadian Travel and Tourism Roundtable.

Wendy Paradis, présidente de l’ACTA, insiste sur l’importance de l’alliance avec les partenaires états-uniens. « Il est essentiel que les États-Unis comprennent que la destination la plus prisée par les Canadiens est leur pays, dit-elle. Inversement, après le Mexique, le Canada est la destination internationale préférée des États-Uniens. Nos industries du voyage des deux côtés de la frontière ont donc tout intérêt à minimiser l’impact de cette crise économique. »

L’ACTA encourage ses membres à partager leurs données de ventes et annulations aux États-Unis en contactant Avery Campbell à acampbell@acta.ca.

 

Un nouveau portail Canada-USA lancé par l’ACTA

Les membres sont également invités à visiter le nouveau portail sur les relations Canada-États-Unis, qui vient tout juste d’être lancé sur le site de l’ACTA.

Un modèle de lettre y est disponible pour écrire aux sénateurs américains et les inciter à faire pression sur la Maison Blanche afin qu’elle renonce à imposer les tarifs douaniers.

Rappelons enfin qu’une version française du Forum sur la protection des  intérêts des conseillers sera animé demain par Patrice Malacort, directeur, service aux membres de l’ACTA au Québec. Pour s’inscrire, c’est par ici.