« Il faut ramener le bon sens dans l’industrie aérienne canadienne » – John Gradek

À la suite du dévoilement par le Bureau de la concurrence, hier, d’une vaste consultation auprès des Canadiens sur le transport aérien intérieur, l’expert en aviation John Gradek plaide pour du changement.


L’annonce du Bureau de la concurrence sur l’industrie aérienne canadienne est un pas dans la bonne direction, assure John Gradek, conférencier et coordonnateur du programme de gestion en aviation de l’Université McGill.

En entrevue hier avec Travelweek/Profession Voyages, l’expert estime que nous sommes mûrs, au Canada, pour du changement en ce qui a trait à la tarification du transport aérien intérieur. « Nous devons trouver une nouvelle manière de gérer ce secteur », dit-il.

« Quand le tarif aérien sur la desserte Toronto-North Bay est le double de celui entre Toronto et Vancouver, il y a vraiment quelque chose qui ne va pas », poursuit-il. Mais comment créer un environnement concurrentiel plus sain?

 

Pour un contrôle des tarifs

John Gradek plaide depuis longtemps pour un contrôle réglementaire des tarifs dans le marché du transport aérien intérieur, afin de s’assurer que les nouvelles compagnies aériennes du Canada, souvent des transporteurs à bas tarifs et des transporteurs à ultra bas tarifs, puissent croître et prospérer.

Il remarque qu’aux États-Unis, le Secrétaire aux Transports Pete Buttigieg surveille de près les compagnies aériennes américaines, citant par exemple l’amende de 140 millions $ US infligée à Southwest Airlines pour des défaillances opérationnelles qui ont entraîné l’annulation 16 000 vols et laissé en plan des millions de passagers durant les fêtes de Noël, en 2022. « Si le client se fait avoir, il y a des amendes, et si vous ne vous améliorez pas, il y aura d’autres amendes », constate-t-il.

Il cite également l’Australie, où les grands transporteurs comme Qantas (récemment condamnée pour avoir vendu des sièges indisponibles) et Virgin Australia se concentrent davantage sur les routes internationales, laissant plus de parts de marché intérieur aux petits transporteurs.

 

Qu’est-ce qui cloche au Canada?

Ce sont de récents événements qui ont soulevé des questions sur l’état de la concurrence dans l’industrie aérienne canadienne, et qui ont incité le Bureau de la concurrence à réagir. Rappelons simplement que :

  • Le marché du transport aérien intérieur au Canada est essentiellement entre les mains de deux grandes compagnies aériennes;
  • Les tarifs aériens intérieurs au Canada « semblent relativement élevés »;
  • Les Canadiens ont déposé plus de plaintes concernant les services en transport aérien, ces dernières années;
  • Les nouvelles compagnies aériennes semblent rencontrer des difficultés pour entrer sur le marché canadien.

 

« L’industrie aérienne est importante pour les Canadiens et l’économie canadienne, dit Matthew Boswell, commissaire de la concurrence. Puisque la population canadienne est dispersée sur un vaste territoire, d’autres modes de transport peuvent ne pas être des solutions de remplacement viables pour le transport aérien. Plus de concurrence dans l’industrie signifiera des prix plus bas, de meilleurs services et une productivité améliorée. »

 

Ramener la raison à la maison

« Pour ramener du bon sens dans l’industrie aérienne canadienne, nous devons briser le duopole et donner aux entrepreneurs et aux opérateurs tiers une chance de réussir, et faire en sorte qu’ils ne doivent pas constamment regarder dans le rétroviseur pour surveiller les grands concurrents » dit John Gradek.

Car le problème pour les nouveaux transporteurs, ce ne sont pas les obstacles qu’ils rencontrent lorsqu’ils se lancent en affaires, croit l’expert. « C’est la survie », dit-il.

John Gradek note qu’entre l’été et le début de l’automne 2023, lorsque Flair Airlines et Lynx Air se disputaient les voyageurs de la haute saison estivale, les tarifs sur les routes transcontinentales comme Toronto-Vancouver et Toronto-Calgary ont chuté jusqu’à 99 $.

« Au bout d’un moment, Air Canada et WestJet ont pris note et ont également baissé leurs tarifs, ce qui a beaucoup refroidi les ardeurs des petits transporteurs », se rappelle John Gradek.

En février 2024, Lynx Air a annoncé qu’elle cessait ses activités, après des discussions de fusion possibles avec Flair. Si le Bureau de la concurrence a indiqué que son étude ne porterait pas, en premier lieu, sur les « tarifs prédateurs », il examinera de tels cas s’ils se présentent.

Les recommandations issues de l’étude « devraient être intéressantes », conclut John Gradek.

 

Commentaires de passagers recherchés

La phase de consultation publique de l’étude du Bureau de la concurrence est maintenant ouverte et elle se déroulera jusqu’au 17 juin. Le Bureau souhaite recevoir les commentaires du public au sujet du mandat figurant dans l’ébauche d’avis d’étude de marché. Les parties intéressées sont invitées à soumettre leurs commentaires à l’aide de ce formulaire de commentaires ou en envoyant un courriel à airlinemarketstudy-etudemarcheaerien@cb-bc.gc.ca.