Franck Laboue
L’aventurier épicurien
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Faut-il encore aller en Thaïlande? Une question qui revient fréquemment dans le milieu des agences de voyage. Elle ne date pas d’hier cette phobie des lieux « trop touristiques ». À l’heure des médias sociaux, elle est même exacerbée. Afin d’être « à la mode », beaucoup choisissent l’évasion « tendance » pour, je cite, « ne pas faire comme tout le monde ». Il n’y a pourtant pas de honte à rêver de découvrir Paris, New York, Cuba ou encore Disney, lieux éminemment touristiques. Dans une quête excessive de destinations « non touristiques », que je ne renie pas, le voyageur se censure de lieux incroyables. C’est une longue introduction pour vous parler d’une petite île. Mais à l’évocation de Koh Phi Phi, je me rends compte de l’image ambigüe qu’elle représente: une espèce d’amour-haine. On veut y aller… mais. Il y a douze ans, je partais pour la première fois en Asie, un continent dont je suis tombé éperdument amoureux. La Thaïlande, comme pour beaucoup, fut mon premier choix, elle est la grande porte d’entrée des voyageurs en Asie-du-sud-Est. Mon désir d’exotisme, de temples, de culture allait être assouvi, mais surtout ma « quête » d’un de mes films fétiche: « La Plage ». Ses décors faisaient saliver, ils sont l’incarnation d’un fantasme collectif. Quelle est la réalité derrière la carte postale?
LA MER D’ANDAMAN: Y ALLER OU PAS?
Après toutes ces années de voyage autour du globe, retournerais-je aujourd’hui sur mes premiers pas de globe-trotter? Absolument! S’il y a autant de monde en Thaïlande, c’est grâce à l’incroyable variété de son offre touristique et son accessibilité. Et nous ne sommes pas les seuls à vouloir arpenter ces îles. La mer d’Andaman, située dans le golfe de Thaïlande, renferme des îles parmi les plus paradisiaques sur terre, un lieu magique. À travers cette myriade de noms exotiques comme Koh Lanta et Koh Samui, j’ai jeté mon dévolu sur Koh Phi Phi. La raison? Futile j’en conviens: marcher sur les traces de Leonardo Dicaprio! Le cinéma comme la littérature nous font rêver d’endroits idylliques à découvrir.
D’ailleurs ce film, et le livre dont il est tiré, est l’exacte incarnation de ma génération de voyageur: la fuite du tourisme de masse et tout ce qu’il incarne, vers quelque chose de plus préservé et de plus « pur ». Quelque part au cours du roman et du film, les personnages ne se retrouvent plus dans cette quête, ils sont déconnectés. Koh Phi Phi, où a été tourné le film, est la représentation réelle du fond d’écran parfait. Un lieu dont on met en doute l’existence, mais qui est bien accessible. Chapelet d’îles au large de Phuket, l’archipel de Koh Phi Phi me tendait enfin les bras.
LE TEMPS D’UN VOL D’HYDRAVION
J’aurais pu opter pour le ferry et ses deux heures de traversée pour rejoindre Koh Phi Phi, mais quand l’occasion de vivre quelque chose de différent s’offre à moi, je ne résiste pas longtemps! À la vue du comptoir de la compagnie « Destination Air », mon regard s’est rempli d’étoiles. Un charter privé en hydravion pour rejoindre l’île… en vingt minutes. Excitant vous dites?! On a qu’une vie – je suis du genre à réfléchir après – et me voilà parti en hydravion. Pesée faite, bagages embarqués, je suis seul à me diriger vers le petit hangar au bout de la piste. Alors que l’hydravion se décroche du sol, le panorama dégagé est incroyable: toutes les teintes de bleu de la création se sont donné rendez-vous. Eaux translucides, poussières d’îles et îlots disséminés dans l’océan, la vue est magique à plus d’un titre. L’atterrissage se fera pile devant mon hôtel, quitte à se faire remarquer, autant ne pas le faire à moitié. Luxe quand tu nous tiens.
KOH PHI PHI DON: DU CÔTÉ DES HÔTELS
Sur l’île principale, durement touchée par le tsunami de 2004, il existe deux parties hôtelières. Un secteur qui croule sous les petits B&B, bars et karaokés, puis un secteur éloigné uniquement composé d’une poignée d’hôtels au calme. Je t’avoue cher lecteur: je ne suis jamais allé dans le sud. Terrible déclaration. Malgré ça j’étais attiré comme un papillon par la lumière, attiré par la mystérieuse Koh Phi Phi qui me faisait de l’oeil. Car oui, il y a deux Koh Phi Phi: Koh Phi Phi Don où se trouve l’infrastructure touristique, et Koh Phi Phi Key où se trouve la fameuse plage. Mon rendez-vous est pris avec un des pêcheurs, tous ici font des excursions en bateau pour les touristes de passage. Les pieds dans l’eau, je fantasme en pensant au lendemain. Comme Leonardo, je regarde cette île impénétrable au loin, presque ma destinée! Je l’ai rêvée cette île… et si j’étais déçu?
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MAYA BAY: LA CARTE POSTALE ULTIME
Je me rappelle de « La Plage ». Dans le film, la baie était fermée, empêchant les étrangers de la connaître. Une préservation naturelle. De loin, sa silhouette inspire le même sentiment: une forteresse de pierre calcaire. Même au large, l’île est belle et fascinante: un véritable bunker. Koh Phi Phi Ley, comme perdue au milieu des flots, est dans l’axe de proue du petit « Long Tail Boat » sur lequel j’ai embarqué. À l’ombre des falaises géantes, l’embarcation cherche le petit passage pour atteindre la fameuse « Maya Bay ». Enfin, nous pénétrons dans la baie, une superbe plage de sable blanc se découvre, défendue par des parois rocheuses plongeant à pic dans l’eau. Spectaculaire. Pour moi, c’est l’euphorie. Je savais que je ne serais pas seul, mais pas à ce point-là. On peut même parler de surpopularité extrême. L’accumulation de dizaines de bateaux à moteur m’empêche presque de voir le sable. Une fois débarqué, je quitte le sable pour mieux m’enfoncer dans le petit sentier de forêt tropicale au pied des falaises. J’ai l’impression d’être un peu seul avec Koh Phi Phi, ici pas de cris.
Revenu sur la plage, une fois que mon esprit occulte la foule, je me rends compte que je réalise mon fantasme d’adolescent. C’est la baie de tous les fonds d’écran de la planète qui s’offre à ma rétine et à ce titre, elle ne déçoit pas. Une île peut-elle accéder à ce point à la perfection? La beauté de Maya Bay est magistrale: une eau turquoise, du sable fin, les petits bateaux de bois qui se dandinent… Je suis fasciné par ce panorama hors norme. Sur le pont du bateau qui quitte la baie, je jette un ultime regard en arrière. Malgré les hordes de touristes, l’île garde cette allure de rêve inatteignable. En contournant Koh Phi Phi Ley, je croise sous les falaises de nombreux pêcheurs locaux en quête des précieux « nids d’hirondelles ». Ces nids, faits à partir de salive d’oiseaux, sont revendus à prix d’or sur les marchés chinois. Au péril de leur vie, les pêcheurs gravissent de petites échelles de bois à la solidité peu fiable. Exercice dangereux, mais oh combien lucratif. Le soleil n’en finit plus de percer à travers l’océan et la couleur de l’eau prend une teinte que je pensais impossible. Le bleu de l’eau est irréel: une véritable piscine qui n’attend que moi.
QUE RESTE-T-IL DU RÊVE – VERDICT DU CHRONIQUEUR
Dur d’être impartial quand il s’agit de ses premiers « émois » de voyageur, mais Koh Phi Phi a une place à part pour moi. C’était la réalisation d’un rêve et la découverte d’un pays superbe. Je vous conseille fortement de passer par les îles du sud de la Thaïlande, un des archipels les plus beaux de la planète qui contient des perles telles que Koh Phi Phi. Partez arpenter la plage de Maya Bay, avec le livre génial d’Alex Garland à la main. Touristique ou non, il y a petit quelque chose de magique à Maya Bay: vous ne le regretterez pas!
À LIRE / À VOIR
La Plage (Danny Boyle – 1999) – Film culte de toute une génération, le personnage de Leonardo DiCaprio voyage en Thaïlande à la recherche d’une plage secrète. Accompagné par Virginie Ledoyen et Guillaume Canet, le film est doté d’une bande-son culte. Tout fut tourné à Koh Phi Phi.
The Beach (Alex Garland – 1996) – Le livre qui inspira le film est un petit chef-d’œuvre. Celui-ci emmène le lecteur plus loin dans la folie des personnages. Un livre sombre et hypnotique. À lire sur la plage!
L’homme au pistolet d’or (Guy Hamilton – 1974) – James Bond classique avec Roger Moore, le spectateur suit l’agent 007 dans le golfe de Thaïlande. L’île de la mer d’Andaman ou fut tourné la traque de Scaramanga (joué par Sir Christopher Lee), est aujourd’hui appelée « James Bond Island ». Rien de moins.
Play (Moby – 1999) – La musique électro-lounge de Moby est synonyme d’évasion. La chanson culte Porcelain fut utilisée dans le film « La Plage ». Encore aujourd’hui elle colle aux images paradisiaques.