La Cour d’appel fédérale confirme une décision sur l’accessibilité chez Air Canada

Le jugement rendu vendredi dernier marque l’aboutissement d’une affaire qui traîne depuis 2016.


La Cour d’appel fédérale vient de confirmer une décision du régulateur des transports du pays qui vise à améliorer l’accessibilité pour les voyageurs aériens en situation de handicap.

Le tribunal a ainsi rejeté un appel d’Air Canada, qui contestait l’une des mesures d’adaptation qu’elle a été contrainte de mettre en place pour les passagers dont les fauteuils roulants motorisés sont trop grands pour passer par les portes de soute de certains avions. Pour le transporteur, cette mesure était trop contraignante pour lui.

La décision rendue vendredi marque l’aboutissement d’une affaire qui traîne depuis 2016, lorsque Tim Rose, le plaignant, a été informé que son fauteuil roulant électrique ne pouvait pas être transporté à bord d’un avion, l’empêchant ainsi de se rendre en Ohio comme prévu.

 

Des obligations d’abord imposées…

Après une série de décisions, l’Office des transports du Canada a statué en 2023 qu’Air Canada devait trouver un vol similaire sur un itinéraire comparable pour des passagers en situation de handicap, ou remplacer l’appareil par un modèle capable de transporter leur aide à la mobilité, si cela s’avérait impossible.

Air Canada a contesté en 2023 l’obligation de changer de vol. Mais le juge Wyman Webb a rejeté les arguments de la compagnie aérienne. « Air Canada n’a pas démontré qu’elle subirait une contrainte excessive si elle devait substituer un appareil », a dit le magistrat.

 

… et des directives acceptées

En janvier 2024, Air Canada a déclaré accepter la plupart des directives de l’Office visant à supprimer les obstacles, y compris l’obligation de trouver un avion décollant dans les 24 heures suivant la date de voyage souhaitée, à condition que le client soumette sa demande au moins trois semaines à l’avance.

Cependant, la compagnie aérienne contestait une disposition clé. Elle faisait valoir que l’obligation d’utiliser des avions avec des portes de soute plus grandes — certaines mesurant à peine plus de 75 cm de hauteur, alors que de nombreux fauteuils roulants électriques ne peuvent être réduits qu’à une hauteur de 90 cm — constituait une « contrainte excessive » pour elle, la plaçant en situation de désavantage concurrentiel.

« L’Office ne prend pas en compte des facteurs tels que l’impact d’un remplacement ponctuel d’un avion sur la sécurité globale et la qualité du service offert à l’ensemble des passagers du réseau d’Air Canada », a ajouté la compagnie dans ses documents déposés en justice.

 

Des arguments rejetés

Vendredi, le juge Webb a conclu qu’Air Canada n’avait pas démontré en quoi l’Office des transports avait commis une erreur dans son évaluation de la notion de « contrainte excessive » pour la compagnie aérienne.

Le régulateur avait souligné que la compagnie remplaçait déjà des avions « quotidiennement » en raison d’intempéries ou de problèmes mécaniques, et qu’elle devrait donc être en mesure d’en faire autant pour des raisons d’accessibilité.

« Étant donné qu’Air Canada substitue régulièrement des appareils en cas d’opérations irrégulières, il est peu probable qu’elle subisse un impact significatif en le faisant pour accommoder une personne en situation de handicap », avait affirmé l’Office des transports dans sa décision de 2023, citée par le juge Webb.

 

Une victoire pour le plaignant

Tim Rose a salué la décision de vendredi comme une victoire pour toute la communauté des personnes en situation de handicap.

« Je veux simplement pouvoir voyager comme tout le monde », a déclaré le plaignant lors d’un entretien téléphonique, exprimant un profond « soulagement » à l’annonce du verdict.

« Si Air Canada dessert une destination, elle ne devrait pas s’y rendre uniquement pour les personnes valides, a-t-il dit. Ce n’est pas une petite compagnie aérienne sans ressources pour y remédier. C’est notre transporteur national, qui se vante fièrement de transporter des athlètes paralympiques aux événements. »

Interrogée sur une éventuelle contestation de la décision, Air Canada a indiqué qu’elle examinait l’affaire.

 

Un long combat juridique

Ce jugement marque une étape clé dans une longue bataille judiciaire. À l’été 2016, Tim Rose avait appris qu’il ne pouvait pas réserver de vol entre Toronto et Cleveland — « ironiquement, pour donner une conférence sur la sensibilisation au handicap dans les grandes entreprises », a-t-il confié à La Presse Canadienne l’an dernier.

« Lorsque j’ai dit à la représentante du service médical d’Air Canada que c’était discriminatoire, elle m’a répondu : “Non, votre fauteuil roulant est comme un bagage. S’il ne rentre pas, il ne rentre pas.” »

« C’est ma mobilité, de rétorquer Tim Rose, qui est consultant en accessibilité et qui est atteint de paralysie cérébrale. On ne considérerait pas les jambes de quelqu’un comme un bagage; dans ce cas, ils n’ont même pas laissé mes jambes monter dans l’avion. »

 

Va-et-vient et décisions antérieures

En 2022, un tribunal de l’Office des transports a conclu que lui et toutes les personnes utilisant des aides à la mobilité plus grandes faisaient face à des « obstacles excessifs » chez Air Canada.

Cette décision faisait suite à un long va-et-vient entre les deux parties, une décision de 2019 établissant qu’il existait bien des obstacles à la mobilité, mais sans qu’ils soient jugés excessifs.

À la fin de 2023, Air Canada a annoncé qu’elle accélérerait son plan triennal d’accessibilité après plusieurs signalements de mauvais traitements infligés aux passagers en situation de handicap, notamment un incident où un homme atteint de paralysie cérébrale spastique avait été contraint de se traîner hors d’un avion à Las Vegas, faute d’assistance.

« Air Canada reconnaît les défis auxquels sont confrontés les clients en situation de handicap lorsqu’ils voyagent et accepte sa responsabilité de fournir un service pratique et cohérent afin de rendre leurs déplacements plus faciles, a déclaré en novembre 2023 le PDG Michael Rousseau. Parfois, nous ne respectons pas cet engagement, et nous présentons nos sincères excuses. »

Les mesures du plan de la compagnie aérienne incluent la nomination d’un directeur de l’accessibilité client, l’embarquement prioritaire des passagers nécessitant une assistance à la montée à bord et une formation annuelle obligatoire sur l’accessibilité pour ses 10 000 employés d’aéroport, notamment sur l’utilisation du lève-personne Eagle Lift. Air Canada a également intégré les aides à la mobilité dans son application de suivi des bagages.