Franck Laboue
L’aventurier épicurien
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Terre de soleil, de traditions, d’arts et de musique, l’Espagne attire les voyageurs du monde entier. Mes voyages de jeunesse en France m’amenèrent souvent dans ces contrées ensoleillées du sud. Ce fut d’abord l’attrait culturel de la rayonnante Barcelone, puis Madrid, Valence et enfin l’Andalousie, terre de fantasmes, qui m’attirèrent en Espagne. S’il est une ville qui ne m’avait jamais réellement conquis, ce fut bien Malaga. Je gardais alors en tête les images de ces plages défigurées de la Costa del Sol, ravagées par un urbanisme sauvage. C’était juger un peu vite les richesses insoupçonnées de Malaga et sa région, j’en conviens. Avec des vols directs de Montréal, elle a conquis les cœurs des Québécois en manque de vitamine D. D’abord synonyme de « Fiesta » et de plages, Malaga est avant tout une cité culturelle de premier ordre mal connue.
À mon dernier passage dans cette cité andalouse, je n’ai failli pas la reconnaitre. Vivante, surprenante, l’ancienne cité (et ses 2800 ans d’âge) s’est littéralement transformée. Une mue bienvenue qui la dote d’une toute nouvelle identité. Elle a aujourd’hui tout pour plaire au plus grand nombre. Culture, gastronomie, climat, art de vivre… Les charmes de Malaga envoûteront tous les voyageurs. On y respire un air méditerranéen paradisiaque à Malaga; le poète Vicente Aleixandre le disait en ces mots : « Ciudad del paraíso. A mi ciudad de Málaga ». Il n’avait pas totalement tort.
LA PORTE DE L’ANDALOUSIE
L’Andalousie, une région qui m’émoustille rien qu’à l’évoquer du bout des lèvres. Je ferme les yeux et je vois des collines brûlées par le soleil, des petits villages blancs accrochés dans les montagnes, j’entends au loin les mélodies métissées du Flamenco, des jupes rouges à poids virevoltent dans l’air et le parfum marin de la Paella s’engouffre dans mes narines. Quelle région au monde peut se targuer d’en offrir autant? Rajoutez à ce panorama une histoire mouvementée, l’architecture majestueuse de villes au patrimoine unique et l’inspiration d’artistes reconnus. On peut comprendre pourquoi nombre de voyageurs décident d’y poser leurs bagages pour l’hiver. Plus qu’une escale de croisière et de repos, Malaga est aujourd’hui le fruit de 20 ans d’aménagements culturels. Elle n’a certes pas l’aura de Barcelone, la réputation artistique d’une Madrid ou d’une Valence… Et pourtant. C’est sous un soleil de plomb que je débarque à Malaga. Coincée entre les montagnes et la Méditerranée, elle est installée sur un site somptueux. Je n’ai pas besoin de marcher longtemps dans le centre-ville pour effacer mes appréhensions. C’est un constat : Malaga vibre et envoûte comme une danseuse de Flamenco.
De l’animation, on en retrouve dans tous les quartiers de la ville. Le vieux centre a été totalement rénové et interdit aux véhicules, les plages aménagées, les bars à tapas s’enlignent dans les rues commerçantes…
C’est une cité dynamique et douce à la fois qui s’offre à moi. En marchant dans Malaga, je cherche l’ombre d’un palmier, c’est une terrasse qui m’accueille le temps d’un verre. Je médite sur l’histoire de la cité, comme pour toute l’Andalousie, elle est le reflet vivant de l’âme du pays. D’un coup d’œil, je peux apprécier les styles architecturaux des siècles passés qui se mélangent avec harmonie.
Dominant la ville, l’Alcazaba et ses murailles semblent impénétrables. Ancienne forteresse mauresque datant du 11ème siècle, elle surplombe toute la ville. Non loin furent retrouvés les restes du passage des Phéniciens, fondateurs de la ville il y a près de 3 millénaires. Les murs épais, sûrement témoins des batailles acharnées entre Maures et Espagnols, inspirent le respect. D’un regard mes yeux plongent à l’horizon, s’enfonçant dans le bleu profond de la mer Méditerranée. Un panorama grandiose que se réservaient les rois et sultans d’antan. Un long chemin pavé digne d’une route romaine culmine jusqu’au château du Gibralfaro. Une structure qui n’est pas sans rappeler sa magique consœur de Grenade : l’Alhambra. Les patios et leur fontaine ciselée rappellent ici la beauté de l’art mauresque. À nouveau, la vue est admirable, on y croise d’un regard le port et les arènes.
Je chemine à l’ombre pour retrouver le centre historique. Comment passer à côté de l’imposante cathédrale de Malaga. Je ne peux résister à cette bâtisse incroyable qui me domine de sa silhouette. Les gravures des façades et celles entourant les monumentales portes sont d’une beauté toute andalouse. Construite sur deux siècles, elle fut bâtie comme beaucoup d’autres églises sur les fondations d’une ancienne mosquée. C’est sur ordre des célèbres Rois Catholiques Fernando et Isabel que ce joyau de la Renaissance fut construit. C’est une constante dans les églises espagnoles, j’ai pu le remarquer également en Amérique du Sud : que d’ornementations et de dorures. Je ne sais plus ou poser les yeux sous cette voûte phénoménale, que de richesses dans ces temples religieux.
Malaga se donne parfois des airs italiens, les longues artères du centre arborent des façades ocre pastel, des fenêtres ornementées de pots de fleurs et de petites terrasses attirantes. Je m’installe sur l’une d’elles, le temps d’apprécier les spécialités locales. À Malaga, le poulpe est roi, une portion de chef m’est servie. Je peux alors me délecter de la fraîcheur des produits de la mer, accompagnés par un verre de vin de qualité comme seule l’Andalousie peut nous offrir. Plaisir des papilles, douceur méditerranéenne dans l’air, quelques notes de guitare Flamenco flottent. C’est la « Dolce Vita » façon ibérique. N’oubliez pas qu’on mange tard en Espagne, vous trouverez les terrasses vides avant 20h30.
FIEF DES ARTS NOUVEAUX
Malaga est la ville natale du célèbre Pablo Picasso, né ici en 1881. Des 39 musées que comptela ville, vous ne pourrez manquer le musée Picasso occupant le Palais de Buenavista. La collection compte près de 133 œuvres. Lors d’une promenade, entre deux artères, je tombe avec émotion sur la maison natale du maître andalou, elle aussi un musée. Au bord de la mer, je marche à l’ombre de la nouvelle « Palmeraie des surprises », intrigante structure blanche recouvrant la promenade. Elle mène tout droit à l’une des nouveautés artistiques immanquables de Malaga : le Musée Pompidou. Ouvert depuis 2015, il s’agît de l’antenne d’un des plus célèbres musées parisiens. Avec la mer en toile de fond, c’est avant tout l’architecture futuriste et colorée de la structure qui fait la particularité de ce musée. À noter que c’est aussi en 2015 que l’on a ouvert la « Collection du musée russe de Malaga », satellite de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. Un virage artistique conséquent.
La mue de Malaga est sidérante : musées contemporains, réaménagement du port, hôtels de style Boutique, secteur piétonnier en centre-ville, vélos en libre-service et agrandissement du métro… Un « lifting » majeur. Malgré ce virage culturel, je ne peux m’empêcher de penser que c’est surtout pour son climat et le bord de mer que les touristes viennent en si grand nombre voir la belle Malaga. Les plages de Malagueta et Pedregalejo font d’ailleurs partie des favorites de la cité andalouse.
En cette dernière matinée avant de quitter Malaga, je déguste un « nube con un pitufo », littéralement « nuage avec un schtroumpf » : le café avec beaucoup de lait. Je me dis que cette ville est la base parfaite pour explorer les merveilles de l’Andalousie. Mon esprit vagabonde, il s’échappe derrière l’horizon des montagnes, il y trouve les champs d’oliviers à perte de vue et des petits villages blancs sans noms perchés sur les collines. Je pense déjà à mon prochain arrêt, les montagnes de la Sierra et Almeria me tendent les bras. Dans ce désert furent tournées les plus belles heures des « Western Spaghetti », l’ombre de Sergio Leone et Clint Eastwood plane sur ces contrées. Fantasme cinématographique que cette mythique terre d’Espagne. Un dernier regard sur Malaga, c’est vrai qu’ici la vie est douce. Picasso disait « Tout ce qui peut être imaginé est réel ». Si vous imaginiez découvrir une ville alliant plages, art, culture, histoire et gastronomie, alors cette destination est peut-être bien réelle, elle s’appelle Malaga.
VERDICT DU CHRONIQUEUR
Elle est loin l’image de la destination balnéaire bétonnée dont souffrait Malaga. La ville a réussi le passage de la destination de plage à celle de la destination urbaine branchée où l’on se plait à rester une semaine entière. Une identité nouvelle, jeune et séduisante. Malaga, c’est pour moi l’une des plus vieilles villes d’Europe, alliant avec brio la douceur de vivre de son climat et l’âme andalouse de son patrimoine.
Comment résister à l’appel de l’Andalousie?
À LIRE, À ÉCOUTER
Paco de Lucia – Écoutez le maître de la guitare Flamenco, un des plus grands artistes européens qui saura vous faire voyage en Ibérie le temps de quelques accords. Picasso (Gilles Plazy – 2006) – Biographie du maître espagnol, personnage complexe et plus grand peintre du vingtième siècle. Enfant prodige de Malaga. |