Crédit: Gary Lawrence

Marie-Galante, ou la douceur de vivre à la guadeloupéenne

La plupart des gens y passent en coup de vent pour une journée, alors que cette île mérite vraiment qu’on s’y attarde pleinement.


« T’as pas peur de faire connaître toutes ces plages incroyables, et que tout le monde finisse par s’y ruer? », dis-je à mon guide Jean-Denis Modmesaïb, alors que ses mollets trempent dans les eaux veinées de bleus de la plage de Vieux-Fort, un énième liseré côtier édénique de Marie-Galante.

« M’en fous, à 16 h tout le monde s’en va avec le traversier, et à 16 h 15 je suis ici! », de rétorquer le Guadeloupéen, propriétaire de l’agence Marie-Galante Excursions.

Crédit: Gary Lawrence

 

Sa réaction à ma question en dit long sur la tranquillité qui prévaut à Marie-Galante, petite île de 158 km2 qui émerge à une heure au large des deux îles principales de la Guadeloupe, Basse-Terre et Grande-Terre.

Contrairement à ces deux dernières, bien fréquentées et accaparées par nombre de touristes à certains moments de l’année, Marie-Galante n’est jamais engorgée.

Paisible et peuplée d’à peine 9000 âmes, couverte à 90 % de champs de canne à sucre, l’île guadeloupéenne est pourtant méconnue pour son tourisme balnéaire. Et pourtant, s’il est un endroit dans cet archipel où les plages sont vraiment splendides, c’est bien ici.

 

D’anse en anse

En ce mois de juillet torride, certaines plages de la côte est et sud-est de Marie-Galante sont embourbées dans les algues Sargasses. Mais au nord et surtout sur la côte ouest, il n’en est rien, bien au contraire. Non seulement les idylliques plages blanches, blondes ou dorées sont exemptes d’algues, mais elles ne souffrent aucunement de la présence de touristes, que ce soit à Anse de Mays, Anse Canot ou Folle Anse.

Crédit: Gary Lawrence

 

Sur cette petite île de 85 km de périmètre dont on peut faire le tour en une heure de voiture, on ne joue jamais du coude même si ça fait des lustres qu’on connaît cette perle, même si le traversier quotidien est efficace, même si le rhum agricole qu’on concocte ici compte parmi les meilleurs au monde.

Crédit: Gary Lawrence

 

Histoires de sucres

Il suffit de visiter les distilleries Bellevue ou Poisson – et ses vénérables installations du 19e s. – pour s’en convaincre, en voyant le sérieux des traditions qui s’enracinent ici bien plus profondément que des cannes à sucre, et surtout en goûtant ce que la terre de « l’île aux cent moulins » produit de mieux.

Crédit: Gary Lawrence

 

Au château Murat, grande habitation du 19e s., l’écomusée des Arts et traditions populaires rappelle d’ailleurs les trois siècles d’histoire sucrière de Marie-Galante, à l’endroit-même où jusqu’à 300 esclaves trimaient dur dans les champs pour couper les cannes à sucre et alimenter l’usine qui les transformeraient en nectar de l’ivresse.

Crédit: Gary Lawrence

 

Un jardin de plantes médicinales jouxte le moulin classé historique et ce qui fut l’habitation de la plus grosse plantation de canne à sucre de la Guadeloupe, mais rien n’indique que certaines d’entre elles peuvent venir à bout d’un lendemain de veille.

Pour ma part, rien de ce que je vis dans la matinée n’est de nature à me donner des maux de tête, bien au contraire.

 

Des hauts et des bas

Flanquée à l’est par les grandes falaises qui s’étirent de la Gueule Grand Gouffre – une arche naturelle – à la pointe Saragot, Marie-Galante s’affaisse en douceur vers la mer sur une bonne partie de son pourtour.

Surnommée « la grande galette » de par son relief plutôt plat, elle vit au rythme des traversiers et est perpétuellement nimbée dans une omniprésente douceur de vivre.

Crédit: Gary Lawrence

 

« C’est une île qui est un peu restée dans son jus sauvage pendant longtemps, et où on a droit à de vraies vacances à 100 % », précise Jean-Denis, tandis que nous sillonnons en voiture les routes de l’intérieur de l’île. Verdoyante et couverte de champs de canne, elle n’est traversée que par trois artères intérieures, toutes ponctuées de noms parfumés, de Grelin à Bagatelle en passant par Mayolette, Pointinette, Ribourgeon, Moringlane et autres Bouquincant.

Sur son pourtour, l’ambiance est toujours paisible et on croise peu de monde. Au fil des ans, aucune grande infrastructure hôtelière n’est venue défigurer cette île, qui ne compte que de petits hôtels et… beaucoup de maisons et d’appartements à louer, que ce soit à Grand-Bourg, le mignon chef-lieu et centre administratif, à Vieux-Fort, le berceau historique de l’île, ou encore à Capesterre, autre agglomération plus populeuse.

Crédit: Gary Lawrence

 

Celle-ci s’est construite autour de la culture de l’indigo (encore présente dans l’île) et du coton, et tout près de grottes où subsistent des pétroglyphes autochtones du 3e siècle. L’histoire sait parfois se faire discrète à Marie-Galante, mais il suffit de creuser un peu pour en découvrir la foisonnante présence.

 

Bonne chère et rencontres

Sur l’heure du midi, Jean-Denis et moi nous réfugions sous les paravents et toiles du resto Au plaisir des marins, planté directement sur la ravissante plage de Saint-Louis, petite bourgade endormie par les vents chauds de l’ouest de l’île.

Cette pause sert autant à nous gaver de succulents acras, de fricassée de chatrou et de colombo de cabri qu’à prendre un bain du culture locale. En ce 14 juillet, les Guadeloupéens sont venus faire cocorico au resto, et la quasi-totalité des tables sont remplies de familles marie-galantaises. Rien là de surprenant : nous sommes ici en France antillaise, et la bonne chère est savoureuse.

Crédit: Gary Lawrence

 

Pour bien digérer, les eaux délicieusement turquoise de la mer des Caraïbes sont à trois mètres; les uns s’en prévalent en quelques pas tandis que les autres terminent leur repas. De mon côté, je suis un peu déçu : le gâteau au sirop de Marie-Galante, affectueusement baptisé « caca bœuf », n’est pas au menu.

Crédit: Gary Lawrence

 

Qu’importe : à la distillerie Bellevue, plus tôt dans la journée, je me suis procuré une bouteille de sirop de batterie (concentré de jus de canne à sucre), que je siroterai plus tard comme dose de sucre quotidienne.

 

Vélo, rando, ciao

En après-midi, la chaleur fait son œuvre, nous englue quelque peu et ralentit notre rythme. Je n’aurai finalement pas le temps de m’offrir quelques-unes des randonnées à pied ou à vélo électrique, qu’on propose de plus en plus à Marie-Galante, ni même de m’offrir « l’ascension » du Morne Canada (75 m d’altitude, pas besoin de prévoir de l’oxygène d’appoint).

Il est bientôt temps de prendre le traversier du soir et l’amateur d’architecture et de fresques urbaines en moi a aussi envie de flâner à Grand-Bourg, avant de repartir.

Crédit: Gary Lawrence

 

Le petit « centre-ville », compact, vaut justement le coup d’œil, avec ses façades ravaudées, ses cases riquiqui et bringuebalantes et ses demeures en planches de bois aux teintes lumineuses et aux jolies fanfreluches (de mignons ornements). Quant à sa mairie, elle incarne toute la maestria du célèbre architecte Ali Turi, qui l’a construite après le grand cyclone de 1928.

Crédit: Gary Lawrence

 

Encore aujourd’hui, on se demande d’ailleurs si de forts coups de vent chauds ne soufflent pas quotidiennement ici, tant le calme règne. « La majorité des gens ne viennent que pour la journée, d’où la tranquillité qui prévaut avant l’arrivée du premier traversier et le départ du dernier », explique Jean-Denis.

Crédit: Gary Lawrence

 

Grave erreur : cette île mérite au minimum une nuitée pour bien savourer sa sérénité, et idéalement plusieurs jours, pour pleinement l’embrasser.

 

Des plages à ne pas manquer

Crédit: Gary Lawrence

 

La Feuillère
L’une des plus emblématiques : sable blanc qui s’étend sur environ 1 km, cocotiers, eaux turquoise limpides et un joli lagon protégé par une barrière de corail. Parfait pour se détendre, nager, faire de l’apnée ou même du kite-surf.

Anse Feuillard
Très sauvage, assez isolée. Il faut marcher une vingtaine de minutes depuis le stationnement pour l’atteindre. Peu d’ombre, mais un cadre naturel vraiment paisible.

Petite Anse
Plus tranquille et souvent moins fréquentée, elle est ombragée même en après-midi. Idéale en famille.

Anse Canot
Une plage de crique, entourée de falaises, avec eau calme, sable clair, et beaucoup de charme.

Vieux-Fort
Plage en bord de route, facile d’accès et située près d’une mangrove qui s’étend de part et d’autre d’une rivière pagayable.

Plage de Grand-Bourg
Plus « urbaine », avec des commodités proches. Pratique pour alterner entre plage, restaurants et vie locale.

Folle Anse
Petite mais réputée pour sa beauté, son calme et son charme.

Plage Moustique

Située à 3 km de Saint-Louis, cette très belle plage de sable blanc s’étend sur plusieurs kilomètres. Idéale pour pique-niquer, mais attention aux mancenilliers, des arbres toxiques.

Anse de Mays

Cette baie étendue est cerclée de sable doré et bordé d’eaux cristallines, encadrée par les ombres douces des raisiniers. Espace de quiétude absolue où le temps semble suspendu.

Trois-Îlets

Cachée derrière un mur de verdure en bord de route, elle se trouve derrière un tunnel de verdure et est immensément longue.

 

À savoir

Sur le traversier qui mène à Marie-Galante, en fin de journée. Crédit: Gary Lawrence

 

-Air Canada relie Montréal à Pointe-à-Pitre de 4 à 6 fois/semaine, toute l’année, en environ 5 h de vol;

-À partir de novembre 2025, Air Transat offrira la même liaison 4 fois/semaine – désormais à l’année –, alors que dès le 6 décembre, Air France fera de même 2 fois/semaine, jusqu’au 15 mars.

-De Québec, Air Transat entamera un nouveau vol hebdomadaire vers Pointe-à-Pitre, tous les mercredis, du 18 février au 29 avril 2026.

-Non loin de Grand-Bourg, l’hôtel Coco Beach Resort propose de grandes chambres sympas et sans prétention, avec vaste balcon, cuisinette, piscine, microplage, vue sur la mer et bon ptit déj’. À partir de 119 euros la chambre et 149 euros l’appart.

Crédit: Gary Lawrence

 

-Pour organiser visites, activités et hébergement avec efficacité, gentillesse et sourire, on contacte Jean-Denis Modmesaïb de Marie-Galante Excursions.

Info : lesilesdeguadeloupe.com