Par Claudine Barry, Réseau de veille en tourisme, Chaire de tourisme Transat – Page de l’analyse ICI–
Bannir les pailles et les bouteilles d’eau de plastique à usage unique est une initiative qui se répand au sein de l’industrie touristique.
Des chercheurs sonnent l’alarme et les médias sociaux transmettent le message : on ne peut plus ignorer l’amas de déchets de plus d’un million de km2 qui flotte sur l’océan Pacifique, pour ne nommer que celui-là. L’heure est à l’action. Il faut revoir notre façon de consommer et agir rapidement pour limiter les dégâts. L’industrie touristique a sa part de responsabilité à cet égard. Mais elle peut aussi prendre les mesures pour favoriser les changements qui s’imposent et réduire dès maintenant la production à outrance de déchets.
UN OCÉAN DE PLASTIQUE
Une étude publiée en mars dernier dans le Scientific Reports confirme la progression rapide d’une masse flottante de quelque 80 000 tonnes de matières plastiques au large des côtes de la Californie et d’Hawaï. La taille de cette mer de plastique a même été revue à la hausse : elle couvre une surface de 1,6 million de km2, soit 4 à 16 fois plus que ce qui avait été véhiculé auparavant.
Cette mer de déchets serait composée à 99,9 % de matière plastique, de microparticules (de taille inférieure à 5 mm) à des morceaux mesurant jusqu’à 50 cm de long. On y trouve principalement des bouteilles d’eau et de boissons, des emballages de nourriture, des sacs, des pailles, des jeux de plage, des déchets provenant des eaux usées ou encore des débris de filets et de cordages pour la pêche.
DES VICTIMES
Les animaux sont les premiers touchés par cette pollution. Des tortues marines s’étouffent avec les sacs. Les matières plastiques ne se désintègrent pas complètement ; elles se décomposent en fines particules qui se confondent avec le plancton et sont ingérées par les poissons et autres animaux marins. L’humain se nourrissant des produits de la mer consomme ainsi ces microparticules de plastique pollué. Cliquez sur l’infographie de ReuseThisBag.com ci-dessous pour la visualiser dans son intégralité et pour mesurer l’ampleur du phénomène.
LA GUERRE AU PLASTIQUE JETABLE…
Pour remédier à cette propagation, mais aussi pour réduire la quantité de déchets produits au quotidien, de plus en plus de villes votent pour éliminer la distribution de sacs en plastique dans les commerces. Des établissements bannissent la vente de bouteilles d’eau à usage unique. La guerre aux pailles est aussi déclarée. Ces petits objets de plastique d’une utilité de quelques minutes nécessitent des centaines d’années à se désintégrer en… microparticules. Plusieurs campagnes sur les médias sociaux visent à mettre un terme à cette façon de consommer le plastique impunément.
… DANS LES HÔTELS
Des entreprises touristiques ont pris la balle au bond et s’engagent à réduire leur consommation de plastique. De grands groupes choisissent de modifier leurs pratiques et bannissent le recours aux pailles ou, dans certains cas, aux plastiques à usage unique. Marriott et AccorHotels proscrivent désormais l’utilisation de pailles dans leurs établissements de la Grande-Bretagne. Certains hôtels privilégient des options de bambou ou même de papier, comme c’est le cas au Sheraton de Maui, à Hawaï.
Le groupe EDITION Hotels compte éliminer le recours aux objets de plastique à usage unique d’ici 2019. Ce virage s’inscrit dans la campagne Stay Plastic Free qui comporte également un volet de transmission des bonnes pratiques aux autres hôteliers pour une adhésion de masse à des opérations plus durables.
Pour inciter les hôtels à réduire l’utilisation du plastique et les outiller, Travel Without Plastic publie un guide pour y parvenir. L’introduction de celui-ci peut être téléchargée gratuitement. On y découvre notamment la quantité de plastique jetable utilisé par département et des options écoresponsables à envisager.
… SUR LES BATEAUX DE CROISIÈRE
Les compagnies Cunard et Royal Caribbean instaurent désormais des limites sur les quantités de pailles, de bouteilles et d’emballages de plastique sur leurs navires. Carnival ne servira plus de pailles automatiquement dans les boissons.
Le croisiériste d’expédition Hurtigruten va beaucoup plus loin et s’engage à ne plus utiliser les articles de plastique suivants à bord de ses embarcations :
- Pailles
- Verres
- Couvercles de verres à café
- Sacs
- Cure-dents
- Ustensiles
- Contenants individuels de beurre
Selon les dirigeants de Hurtigruten, en bannissant ces produits, l’entreprise évitera de mettre aux déchets annuellement :
- 960 000 pailles ;
- 390 000 verres ;
- et 826 000 contenants de beurre.
Voici la vidéo illustrant la campagne War on plastic de Hurtigruten :
… PAR LES ENTREPRISES EN TOURISME D’AVENTURE
Grâce à un partenariat avec le fabriquant GRAYL, Midnight Son Tours en Alaska fournit à chaque client un filtre purificateur d’eau. Celui-ci est intégré à la bouteille et permet à l’utilisateur d’obtenir, à partir de n’importe quelle source, une eau propre, dépourvue de bactéries, de virus, de sédiments et de tout produit chimique. Cela contribue à réduire la consommation de bouteilles d’eau à usage unique tout en accompagnant le voyageur vers une plus grande autonomie.
… DANS LES STATIONS DE SKI
Au Nouveau-Mexique, le centre de ski Taos a mis fin en 2016 à la vente de bouteilles en plastique à usage unique. Les clients peuvent se procurer un contenant réutilisable à l’effigie de la station pour le même prix et s’approvisionner dans les fontaines installées à travers le site. L’initiative Hydrate Locally Help Globally a contribué à retirer du marché quelque 10 000 bouteilles jetables annuellement.
… PAR LES TOURISTES
L’entreprise Plastic Whale d’Amsterdam propose de découvrir la ville tout en nettoyant les canaux. La croisière antiplastique offre ainsi aux visiteurs de faire leur part pour l’environnement. Plus le plastique amassé est abondant, plus le tarif de l’excursion décroît. Les matières récupérées ont permis de construire d’autres embarcations. Aujourd’hui, Plastic Whale valorise les déchets repêchés par la production de meubles dessinés et fabriqués en Hollande. Il s’agit là d’un bel exemple d’économie circulaire à laquelle le voyageur participe.
Des initiatives pour réduire la consommation de matières plastiques devraient continuer de poindre au cours des prochaines années, du moins, souhaitons-le. De quelle façon votre entreprise s’y prend-elle pour contribuer à ce mouvement ?