Pourquoi des Canadiens annulent-ils leur voyage aux États-Unis?

L’effet Trump continue de se faire sentir, et de plus en plus de Canadiens mettent une croix sur un voyage aux États-Unis.


Chaque année, Kathy Rowe et son mari s’offrent le même cadeau de Noël : des billets d’avion pour les États-Unis. 

Le couple de Torbay, à Terre-Neuve-et-Labrador, avait prévu de faire de même la saison dernière et avait utilisé des points pour acheter des billets d’avion non remboursables pour Dallas, où ils comptaient louer une voiture pour un road trip en mai. 

Mais le 6 novembre, au lendemain de la réélection de Donald Trump, ils ont annulé leurs vacances, une décision qui semble de plus en plus courante depuis que le nouveau président a intensifié sa rhétorique anticanadienne et menacé d’imposer des tarifs douaniers. 

 

Pas question de faire l’autruche

« Je ne peux plus fermer les yeux, dit Kathy Rowe, 59 ans. J’en ai assez, et nous voyagerons au Canada cette année. Nous avons annulé nos billets et décidé que la meilleure option était de réserver un traversier de Terre-Neuve vers la Nouvelle-Écosse, puis de voyager ainsi, probablement jusqu’en Ontario. » 

Le couple a donc contacté sa compagnie aérienne et payé 400 $ pour récupérer ses points. « Nous avons encaissé le coup parce que, moralement, je ne pouvais tout simplement pas aller aux États-Unis et leur donner un centime de plus de mon argent », explique la voyageuse.

 

Des politiques mal reçues

Les menaces de Trump sur les tarifs douaniers et ses commentaires sur un « 51e État » ont renforcé sa décision, dit-elle, mais son dégoût croissant pour les voyages aux États-Unis est avant tout lié aux politiques du président. 

« Elles sont basées sur la division, dit-elle. Il est en train de ruiner un beau pays. J’aime l’Amérique. J’y voyage chaque année. Mais je vois ce qui se passe et je ne peux tout simplement pas le supporter. Je vais donc attendre de voir ce qui se déroulera au cours des quatre prochaines années et, si le pays tient encore debout, alors peut-être que je reconsidérerai l’idée d’y voyager. » 

 

Une tendance qui monte

Un sondage publié lundi révèle que 62 % des habitants des Maritimes prévoient moins voyager aux États-Unis en raison de la présidence de Trump. Parmi ceux qui ont déclaré qu’ils voyageraient moins, 54 % ont cité leur désaccord avec la direction, les valeurs ou l’administration du président. 

L’enquête en ligne, menée par Narrative Research, fait suite aux commentaires de 1 618 résidents de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard, les 30 et 31 janvier. 

 

Possibles pertes de 2 milliards pour les États-Unis

Pendant ce temps, la US Travel Association s’attend à une baisse du tourisme en raison des tarifs douaniers, après que le premier ministre Justin Trudeau ait encouragé les Canadiens à voyager à l’intérieur du pays. 

L’Association estime qu’une réduction de 10 % des voyages canadiens aux États-Unis pourrait entraîner une perte de 2,1 milliards de dollars en dépenses touristiques. 

« Le Canada est la principale source de touristes internationaux aux États-Unis, avec 20,4 millions de visites en 2024, ce qui génère 20,5 milliards de dollars en dépenses tout en soutenant 140 000 emplois », rappelle l’Association.

 

Les États-Uniens toujours bienvenus

Inversement, l’Association de l’industrie du voyage du Canada exhorte les États-Uniens à continuer de visiter le nord de la frontière. 

« Nous tenons vraiment à ce que tous les voyageurs sachent que le Canada reste ouvert aux affaires et est prêt à accueillir les visiteurs des États-Unis et du monde entier », dit Beth Potter, présidente de l’Association de l’industrie touristique du Canada.

« Nous avons toujours encouragé les Canadiens à explorer leur propre pays, c’est certain, dit-elle. Mais le tourisme est une forme de diplomatie douce, qui favorise la compréhension culturelle et renforce les relations entre les pays. » 

 

Je t’aime, moi non plus…

Pour Linda Randell, une habituée des voyages aux États-Unis qui vit à Alliston, en Ontario, les facteurs politiques et économiques sont des moteurs plus puissants que les liens culturels. 

Samedi dernier, elle et son mari avaient prévu conduire jusqu’à Melbourne, en Floride, mais ils ont décidé d’annuler à la dernière minute. « Ces derniers jours, j’étais inquiète. J’avais de l’anxiété, et pourtant je suis quelqu’un de très calme », dit-elle.

Elle explique que la faiblesse du dollar canadien était un facteur déterminant, tout comme l’imprévisibilité de Trump : elle craignait que le président américain ne ferme la frontière et ne l’empêche de rentrer au Canada, bien qu’il n’ait jamais annoncé une telle mesure.

« On ne sait jamais ce qu’il va faire, poursuit-elle. Je me sens tellement mieux et tellement plus calme depuis que j’ai décidé de ne pas me rendre aux États-Unis… »