Alors que le transporteur commence à annuler des vols, le fédéral n’a pas donné suite à sa demande d’arbitrage exécutoire.
Certains vols d’Air Canada prévus aujourd’hui sont d’ores et déjà annulés alors que la compagnie aérienne se prépare à un arrêt de travail ce week-end.
Dans une conférence de presse mouvementée (des agents de bord sont venus l’interrompre) tenue ce matin à Toronto, Mark Nassr, vice-président général et chef de l’exploitation d’Air Canada, a confirmé que la suspension progressive des opérations d’Air Canada et d’Air Canada Rouge avait déjà débuté, et que tous les vols devraient être interrompus tôt le matin du 16 août.
À la fin de la journée du 14 août, plusieurs dizaines de vols auront été annulés; d’ici la fin du 15 août, Air Canada prévoit annuler environ 500 vols.
Ce plan échelonné, a précisé Mark Nasser, vise à limiter l’impact de la grève en permettant à un maximum de clients de terminer leur voyage et, surtout, à faciliter une reprise ordonnée des opérations, ce qui prendra au mieux une semaine complète. « Air Canada est un système très complexe : plus de 40 000 employés, plus de 250 avions desservant 200 destinations dans plus de 65 pays. Ce n’est pas le genre de système qu’on peut démarrer ou arrêter d’un simple bouton », a expliqué Mark Nassr.
Ainsi, un premier ensemble d’annulations a été mis en œuvre ce matin, touchant principalement les vols internationaux long-courriers prévus ce soir. Les annulations vont se multiplier : d’ici demain soir, elles devraient concerner plus de 100 000 clients.
À compter de 1 h du matin le samedi, toute la flotte sera clouée au sol, ce qui affectera environ 130 000 passagers par jour, dont 25 000 Canadiens habituellement rapatriés qui risquent de rester bloqués à l’étranger.
La compagnie aérienne a précisé que les clients dont les vols sont annulés auront droit à un remboursement complet, et qu’elle a aussi conclu des ententes avec d’autres transporteurs canadiens et étrangers pour offrir, « dans la mesure du possible », des solutions de voyage alternatives.
Pas d’arbitrage exécutoire… pour l’instant
La compagnie aérienne a demandé un arbitrage imposé par le gouvernement, mais Ottawa n’a pas indiqué s’il interviendrait dans le conflit.
Dans un communiqué publié jeudi matin, la ministre fédérale de l’Emploi, Patty Hajdu, a reconnu avoir reçu la demande d’Air Canada et ajouté avoir demandé au syndicat d’y répondre. Elle a exhorté les deux parties à retourner à la table de négociation.
« Soyons clairs : les meilleures ententes sont conclues à la table de négociation », a déclaré Mme Hajdu. « Les médiateurs fédéraux sont disposés et capables de travailler avec les parties 24 heures sur 24 jusqu’à ce qu’un accord soit conclu. »
Le lock-out comme moyen de pression?
Larry Savage, professeur en relations de travail à l’Université Brock, a déclaré qu’Air Canada utilise son avis de lock-out « comme moyen de pression sur le premier ministre », alors que le gouvernement libéral dirigé par Mark Carney est confronté à son premier arrêt de travail majeur impliquant des employés sous réglementation fédérale.
Sous l’ancien premier ministre Justin Trudeau, Ottawa avait été sollicité l’an dernier pour intervenir par arbitrage obligatoire lors d’une grève potentielle des pilotes d’Air Canada. Cependant, M. Trudeau avait déclaré que le gouvernement n’interviendrait que s’il devenait évident qu’un accord négocié n’était pas possible.
La compagnie et le syndicat représentant ses pilotes avaient finalement conclu un accord par eux-mêmes.
Un autre précédent
Cependant, le gouvernement a adopté une approche différente dans d’autres dossiers récents. En août 2024, le Canadien National et le Canadien Pacifique Kansas City avaient mis en lock-out plus de 9 000 travailleurs avant que le ministre du Travail de l’époque, Steve MacKinnon, n’intervienne.
Il avait alors ordonné au Conseil canadien des relations industrielles de recourir à l’arbitrage obligatoire en vertu de l’article 107 du Code canadien du travail, ce qui avait été fait.
Lorsque les travailleurs des ports de la Colombie-Britannique avaient déclenché une grève en 2023, le ministre fédéral du Travail de l’époque, Seamus O’Regan, avait également utilisé cet article pour obliger le Conseil à imposer un arbitrage final obligatoire si aucune entente négociée n’était possible.
« La direction d’Air Canada s’inspire clairement de ce qu’ont fait les employeurs dans les ports et les chemins de fer », a déclaré M. Savage.
Un outil préoccupant?
S’il reconnaît qu’il existe « une longue tradition » au Canada d’intervention gouvernementale dans les conflits de travail, M. Savage estime que le recours croissant à l’article 107 du Code du travail est « préoccupant ».
« Cela montre aussi à quel point il est facile de bafouer les droits à la négociation collective, a-t-il ajouté. Lorsque le gouvernement intervient uniquement à la demande des employeurs, cela mine l’ensemble de notre système de relations de travail. »
Plus tôt cette semaine, la section Air Canada du Syndicat canadien de la fonction publique a rejeté la proposition de la compagnie d’entrer en arbitrage obligatoire, affirmant qu’elle préfère négocier une entente que ses membres pourront ensuite approuver par vote.
Le syndicat a indiqué mercredi soir que la compagnie n’était toujours pas revenue à la table des négociations après avoir émis son avis de lock-out. « Le syndicat a présenté sa plus récente proposition à Air Canada mardi à 21 h (HE). Il est resté à la table depuis, en attendant la contre-offre de la compagnie. Air Canada n’a toujours pas répondu », indique le communiqué du SCFP.
Avec les informations de Cindy Sosroutomo, de Travelweek.