À la suite de la publication de ce rapport hier, voici un tour d’horizon des réactions de plusieurs transporteurs canadiens. Sans surprise, les avis divergent.
En réaction au rapport Élever la concurrence dans l’aviation, publié hier par le Bureau de la concurrence, les compagnies aériennes canadiennes s’entendent pour dire que l’industrie a besoin d’un nouveau souffle, mais pour Air Canada et WestJet du moins, la priorité est la réforme du modèle « utilisateur-payeur » pour le financement des aéroports — notamment tous les frais qui dépassent souvent largement le tarif de base.
Sans surprise, ni Air Canada ni WestJet, les deux plus grands transporteurs du pays, contactés par Travelweek/Profession Voyages après la publication du rapport, n’ont soutenu la recommandation controversée n°6 du Bureau de la concurrence concernant l’industrie aérienne canadienne : faire passer de 49 % à 100 % le plafond de la propriété étrangère pour les compagnies aériennes canadiennes opérant uniquement des vols intérieurs.
Elles pointent plutôt la recommandation n°4 — surveillance des aéroports et modèle de financement — comme étant la meilleure piste pour rendre les tarifs intérieurs plus abordables pour les Canadiens.
Des frais qui font réagir
Comme le souligne le Bureau, les aéroports canadiens et les services de navigation aérienne sont principalement financés par les frais payés par les compagnies aériennes et les passagers. Ces frais représentent 30 cents de chaque dollar payé par les passagers aux compagnies aériennes traditionnelles, et une part encore plus importante du tarif pour les transporteurs à bas prix et très bas prix, qui sont généralement les nouveaux venus sur le marché.
« Le rapport souligne comment les frais et charges gouvernementaux élevés augmentent les tarifs aériens au Canada, nuisent aux consommateurs et à la compétitivité de notre industrie, dit dit Peter Fitzpatrick, porte-parole d’Air Canada. Ces frais représentent environ 30 % du tarif de base intérieur ».
La fiche d’Air Canada intitulée Mythes et réalités du paysage concurrentiel intérieur au Canada contient des données à l’appui de sa position sur l’abordabilité des vols intérieurs.
Un service essentiel
Josh Yeats, porte-parole de WestJet, a pour sa part déclaré que l’étude reconnaît que les voyages aériens sont essentiels – et non un luxe – pour connecter les Canadiens. « Les Canadiens méritent un système aérien abordable, concurrentiel et durable, dit-il. Cela nécessite de s’attaquer à la véritable cause des prix élevés : les frais, charges et taxes exceptionnellement élevés au Canada. »
Le rapport indique que les Canadiens paient des tarifs aériens plus élevés de plus de 40 % en raison des frais et taxes imposés par le gouvernement, ainsi que des frais de tiers, a-t-il ajouté.
Les conseillers en voyages et les voyageurs canadiens connaissent bien le choc des prix associés aux taxes et frais de transport aérien. « Pour un aller-retour typique au Canada, un passager doit payer 133 $ en frais (dont aucun ne va aux compagnies aériennes), comparativement à seulement 49 $ aux États-Unis », précise Josh Yeats.
Les priorités de WestJet
Celui-ci ajoute que WestJet « soutient une révision globale du modèle utilisateur-payeur afin de réformer la politique canadienne du transport aérien ». Voici les priorités de la compagnie aérienne :
- Moderniser le financement de l’infrastructure du transport aérien du Canada en s’appuyant sur les meilleures pratiques internationales, via une analyse et un rapport gouvernemental exhaustifs.
- Geler immédiatement tous les frais fédéraux liés au transport aérien et amorcer une démarche progressive visant à réduire ces frais grâce à des gains d’efficacité. Cela permettrait de libérer de nouveaux capitaux privés pour les mises à niveau critiques des infrastructures.
- Moderniser la protection des passagers : les règles actuelles sont bien intentionnées, mais inefficaces. Les modifications proposées l’an dernier (APPR 2.0) aggraveraient la situation, ajoutant 1 milliard de dollars de coûts annuels au transport aérien, sans réel bénéfice. Il faut une réforme fondamentale pour offrir un système plus simple, avec des avantages clairs pour les voyageurs, sans les coûts indirects. Selon le rapport, l’APPR augmente les coûts tout en réduisant les incitatifs à desservir les régions.
« Un transporteur étranger ne desservira pas nos petites villes »
Le Conseil des aéroports du Canada considère que permettre une propriété étrangère jusqu’à 100 % dans les compagnies aériennes canadiennes opérant uniquement sur le marché intérieur est inacceptable.
« Le cabotage n’est pas la solution pour améliorer la concurrence dans un pays aussi vaste et peu densément peuplé que le Canada. Une compagnie étrangère ne desservira pas nos plus petites villes ni les routes à faible volume », dit Monette Pasher, présidente du CAC.
Dans une tribune publiée dans The Globe and Mail, Ajay Virmani, fondateur et président exécutif de Cargojet, s’est également opposé au cabotage. « Cela risque de saper notre industrie aérienne, de menacer des emplois canadiens et de céder le contrôle d’un secteur vital – sans rien obtenir en retour. »
Il ajoute que les transporteurs étrangers les plus susceptibles de profiter de cette ouverture sont les compagnies états-uniennes, pour des raisons géographiques. Or les États-Unis, notre principal partenaire commercial, n’autorisent pas les compagnies étrangères à opérer sur leurs liaisons domestiques. Ils protègent ce privilège avec acharnement – tout comme de nombreux autres pays. … Nous ne pouvons pas être le seul pays prêt à céder son marché pendant que les autres protègent le leur. Ce n’est pas une stratégie – c’est une capitulation. »
« Ça avantage les plus gros joeurs »
Après la disparition de Lynx Air en février 2024, puis de Canada Jetlines en août 2024, la compagnie Flair Airlines est l’un des rares nouveaux acteurs à avoir survécu.
Eric Tanner, vice-président commercial de Flair, salue les conclusions du rapport. « Le rapport final reflète ce que nous disons depuis longtemps : les voyageurs canadiens sont freinés par des obstacles structurels qui limitent la concurrence et maintiennent les prix élevés. »
Selon lui, le rapport confirme l’existence de problèmes majeurs dans le secteur aérien. « Une allocation opaque des créneaux, des structures de frais aéroportuaires injustes et des ententes commerciales exclusives qui favorisent les transporteurs en place et bloquent les nouveaux venus. »
« Le gouvernement doit commencer sans délai à mettre en œuvre les recommandations les plus percutantes du rapport, ajoute-t-il. Les Canadiens méritent un marché du transport aérien plus concurrentiel, abordable et transparent. »
Du côté de Porter
Du côté de Porter Airlines, la croissance continue à grande vitesse avec l’expansion à Toronto Pearson, dans de nombreux autres aéroports, et l’ajout d’appareils E195-E2. Depuis 2023, Porter a ajouté 44 nouveaux avions à sa flotte et lancé des dizaines de nouvelles liaisons en Amérique du Nord, avec une présence dans les 10 provinces canadiennes.
Brad Cicero, porte-parole de Porter, explique que l’entreprise voit de la valeur dans plusieurs recommandations du rapport, comme l’ouverture aux vols internationaux à l’aéroport Montréal-Saint-Hubert (YHU) et l’examen des nouvelles technologies à l’aéroport Billy Bishop.
En ce qui a trait à la recommandation sur la propriété étrangère, Porter soutient une augmentation de la limite de propriété étrangère à 49 % pour un seul actionnaire. « Toute modification supplémentaire sur la propriété étrangère et l’accès au marché nécessite une analyse beaucoup plus approfondie, dit Brad Cicero. Par exemple, autoriser des compagnies aériennes étrangères à opérer des vols intérieurs désavantagerait davantage les petits transporteurs. Une telle mesure ne devrait pas être envisagée sans réciprocité d’accès pour les compagnies canadiennes dans d’autres pays — mais, encore une fois, cela profite surtout aux plus gros acteurs disposant de ressources et d’une notoriété plus importantes. »