Le tourisme tient une place primordiale dans l’écosystème de la Polynésie. Comment évoluera cette destination dont tous les touristes rêvent de visiter un jour? À l’heure où la destination n’est plus seulement réservée aux milliardaires, comment va-t-elle se préserver du tourisme de masse? Quelle est la vision stratégique du ministère du tourisme polynésien? Comment se positionne la Polynésie dans ce marché compétitif des destinations paradisiaques? Découvrons-le dans cet extrait d’une entrevue de Nicole Bouteau, ministre du Tourisme de la Polynésie française, accordée au magazine Tahiti Infos.
Question: Après de longues années de fébrilité, les indicateurs semblent de nouveau positifs et les perspectives prometteuses, mais nous sommes encore loin des résultats d’une destination comme Fidji par exemple. Selon vous, quelles en sont les raisons fondamentales?
Nicole Bouteau: Effectivement, la fréquentation et les retombées économiques liées au tourisme sont en croissance constante depuis plusieurs années. Maintenant, les indicateurs statistiques sont positifs. S’agissant de Fidji, il faut comparer l’ensemble des données. Leur surface terrestre est presque 5 fois plus importante que la nôtre et leur population est plus de 3 fois plus nombreuse. Leurs marchés principaux sont australiens, néo-zélandais et asiatiques, notamment chinois, liés à leur proximité géographique. S’agissant des dépenses touristiques, l’Organisation mondiale du Tourisme, en 2015, estimait à un revenu de 1 112 dollars par habitant à Fidji, contre 1 820 dollars par habitant en Polynésie. Donc des retombées économiques supérieures de plus de 60%.
Question: La Polynésie deviendra-t-elle un jour une destination de masse ? Quand est-il de ses compétiteurs?
Profession Voyages vous rappelle que la destination s’attend à une forte hausse de la fréquentation touristique suite à l’annonce de l’arrivée de la nouvelle compagnie aérienne « low cost » French Blue qui opèrera des vols entre Paris et Papeete dès mai 2018.
Nicole Bouteau: La Polynésie française n’a pas choisi de devenir une destination de masse. C’est donc un choix, quel que soit le gouvernement en place. D’ailleurs, Fidji n’est pas non plus une destination de masse. Le nombre de visiteurs par rapport au nombre d’habitants est à moins de 1 pour Fidji ou pour la Polynésie, alors que pour Rapa Nui (l’île de Pâques), il est de 20 visiteurs/habitant. Là, nous pouvons parler de destination de masse. Sur Hawaii (8,9 millions de visiteurs pour 1,4 million d’habitants) : ils sont à 6,3 visiteurs par habitant.
Maintenant, oui, nous pouvons encore progresser. Et nous devons parvenir à générer une nouvelle dynamique de croissance significative pour notre fréquentation touristique.
Nous sommes dans une situation où notre offre d’hébergement s’équilibre avec notre offre de sièges dans le transport aérien international. Il faut donc que l’un et l’autre puissent évoluer à la hausse, stimuler les investissements et la création de nouvelles offres, en diversifiant les marchés. Ce serait un risque irresponsable par exemple de tout miser sur le marché nord-américain. Ce serait un choix à très court terme et nous exposerait à subir de plein fouet la moindre crise politique, économique ou monétaire. Nous devons renforcer les marchés, et donc, diversifier la provenance de nos visiteurs.
Question: Vous parlez de diversification. Pensez-vous que le tourisme de niche comme le tourisme écolo, le tourisme médical, gai, sportif… soit une piste à explorer ?
Cette diversification de l’offre est essentielle. Ce ne sont pas seulement des « niches » à développer. D’abord, depuis 10 ans, c’est le tourisme bleu qui s’est structuré et qui continue d’afficher des courbes de croissance très encourageantes. Ensuite, nous souhaitons que le tourisme culturel devienne également un pilier de notre offre touristique. En parallèle, le tourisme vert est aussi à développer. Le tourisme sportif est aussi un axe intéressant. Nous sommes déjà une destination arc-en-ciel, même si nous ne le mettons pas en avant d’un point de vue marketing.
Les stratégies de Tahiti Tourisme ont-elles, selon vous, été satisfaisantes jusqu’à aujourd’hui ? Qu’attendez-vous de cet organisme ? Quels moyens devrait, selon vous, développer le pays pour réellement atteindre des objectifs de fréquentation satisfaisants ?
Ce que je veux dire d’abord, c’est que ces 7 dernières années, Tahiti Tourisme est un organisme qui a connu une révolution interne radicale. Tahiti Tourisme et l’ensemble de ses salariés ont traversé tout cela, tout en renforçant l’exigence sur le travail de promotion à l’international, avec des résultats probants, puisque nous avons une croissance constante du flux depuis 5 ans.
Les retours et études dont nous disposons témoignent d’un taux de satisfaction vraiment très important de nos visiteurs. Les critiques se portent parfois sur le rapport qualité/prix plutôt que sur le niveau d’équipement. Et chaque fois, il est signalé l’accueil et la bienveillance comme une force toujours vive de notre destination, grâce à notre population.
Pour conclure, quels sont vos objectifs et vos priorités pour 2018 ?
Nos objectifs s’inscrivent dans la continuité de ce qui a été initié lors de l’adoption de la Stratégie de développement du tourisme 2015-2020. Ce qui est important, c’est que la communauté des acteurs du tourisme soit soudée et bien soutenue. Cette dynamique est au cœur du projet. Nous aurons en 2018, par exemple, la meilleure année de fréquentation croisière depuis près de 15 ans. Il faut que notre accueil, notre structuration soient pleinement au rendez-vous. La diversification de l’offre est déjà au coeur de nos priorités.