Crédit : Gary Lawrence

Terre-de-Bas : les saintes paix de Guadeloupe

Si l’archipel des Saintes est fort prisé des visiteurs, c’est surtout vers la très fréquentée Terre-de-Haut que tout le monde se rue. Et pourtant, tout juste à côté…


Il est 10 h du matin et je viens d’arriver à la buvette Paquerette, seul débit de boisson de Petites-Anses, un hameau mignon comme tout situé à Terre-de-Bas, dans l’archipel des Saintes.

Dans ce bourg, un brave bougre pas bourru est accoudé au bar et sirote une bière fraîche – il fait 30 degrés à l’ombre, il faut bien s’hydrater. Trente minutes plus tard, un gaillard torse nu à la panse immense le rejoint pour s’enfiler un p’tit rhum agricole – avec cette chaleur, autant ajuster son radiateur intérieur.

Crédit: Gary Lawrence

Pendant ce temps-là, sur le balcon, un papi est occupé à travailler des lanières de bambou. « C’est mon mari, il prépare la base de mes salakos », indique Paquerette Morvan, qui tient aussi boutique juste à côté du bar, lequel occupe une partie du devant de sa maison, face au chemin.

Crédit : Gary Lawrence

Derniers artisans à fabriquer le salako, ce couvre-chef traditionnel qui rappelle vaguement les chapeaux coniques asiatiques, les membres de la famille Morvan les confectionnent en équipe, lentement mais sûrement. « Un jour, mon fils a demandé à son grand-père de lui montrer comment les fabriquer; un an après, il mourrait, dit Mme Morvan. Il a vu ça comme un signe et depuis, il perpétue la tradition. »

 

L’île alanguie

La fabrication de ce couvre-chef traditionnel, lente et posée, résume bien l’esprit de Terre-de-Bas, la vis-à-vis peinarde de Terre-de-Haut.

Alors que cette dernière est fréquentée quotidiennement par des centaines de touristes qui y pilotent autant de voiturettes de golf, Terre-de-Bas vit paisiblement, un peu coupée du monde et carrément en marge des deux principales îles guadeloupéennes de Basse-Terre et Grande-Terre, un pied dans le présent, un autre dans l’autrefois.

Crédit : Gary Lawrence

Ce petit bout de territoire de même pas 1000 acres, peuplé de moins de 1000 âmes (surtout descendants de Bretons, de Normands, de Poiteveins…), foisonne de végétation, s’élève tout en mornes et collines et incarne l’âme authentique des îles de Guadeloupe.

Tout n’y est que calme, quiétude et sérénité, tout fonctionne au ralenti, comme si l’île voyait filer le temps dans le sens inverse des aiguilles d’une montre – vers le passé.

Crédit : Gary Lawrence

 

Le tour de l’île

À Petites-Anses, la rue principale est formée d’une enfilade de mignonnes maisons de poupée peinturlurées, qui se termine par une côte vertigineuse tout en pavés, et qui débouche sur une jolie petite plage.

Crédit : Gary Lawrence

Entre deux maisons fleuries, trois employés municipaux s’affairent à balayer minutieusement la chaussée – c’est qu’il y a de la visite aujourd’hui : des touristes! –, tandis que le flic de l’île joue les transporteurs publics en donnant un lift à une Saintoise.

Crédit : Gary Lawrence

Il faut dire que le chauffeur des Frères Vala, l’entreprise locale qui offre un service mi-taxi, mi-autobus municipal, est occupé à montrer les environs à une petite famille de touristes.

Crédit : Gary Lawrence

Tout y passe : le cimetière aux tombes ornées de conques de lambis, l’église au toit en forme de barque inversée, les vestiges de l’ancienne poterie, l’école primaire qui a dû fermer et être fusionnée avec le lycée, le château d’eau couvert d’une ravissante fresque et, juste à côté, l’extraordinaire point de vue sur l’archipel (voir la photo de une).

Crédit : Gary Lawrence

S’y profilent Terre-de-Haut et l’îlet à Cabri, le Grand Îlet, l’îlet la Coche et les rochers des Augustins et de la Vierge, ainsi que l’îlet le Pâté. « C’est presque une vue aérienne de l’archipel », dis-je à mon guide Gaby.

 

Les Saintes à la trace

Depuis des années, Gaby le Saintois fait découvrir les « traces » (sentiers) de l’île à qui veut les emprunter, dont la trace des Falaises, où il m’emmène gambader un brin.

Crédit : Gary Lawrence

Comme son nom l’indique, celle-ci surplombe la mer et ses déferlantes qui s’abattent sur les rocs, mais elle permet aussi d’humer les bonnes essences d’arbres des Saintes et d’admirer Terre-de-Haut, Marie-Galante et les deux grandes îles de Guadeloupe, là-bas au loin.

Crédit : Gary Lawrence

Après cette rando panoramique, on part recharger les batteries chez Eugenette, modeste table située droit devant la plage de Grande-Anse, où tout le monde marque une pause pour déguster ses spécialités créoles, des accras aux langoustes en passant par la fricassée de chatrou (poulpe). D’abord île d’agriculteurs – qui produisait du café que Napoléon Bonaparte et Louis XVIII appréciaient particulièrement, dit-on –, Terre-de-Bas a aussi versé dans la pêche, et ça se sent toujours sur les tables saintoises.

Dans le registre des senteurs, rien n’égale cependant celles du bois d’Inde, dans cette île. Gérard Beaujour, professeur d’histoire à la retraite, en sait quelque chose, lui qui distille des (beaux) jours heureux et… des feuilles de cette essence d’arbre, typique de l’île.

Crédit : Gary Lawrence

Selon la variété choisie, les distillats et huiles essentielles qu’il en tire sentent la girofle, l’anis ou la citronnelle. « Chacun a ses propres vertus particulières : antidouleur, antibactérien, antifongique… », dit Gérard Beaujour, en sectionnant avec précaution un échantillon de chaque type de feuille, avant de me les faire sentir. Aucune, hélas, ne permet d’apaiser la tristesse des départs : je dois maintenant retourner à Bouillante, sur Basse-Terre.

 

De retour sur (basse) terre

En retournant à l’anse des Mûriers où accoste la navette maritime qui dessert Terre-de-Bas, le chauffeur des Frères Vala qui me ramène se confie sur l’affection particulière qui le lie à Terre-de-Bas.

Crédit : Gary Lawrence

« À l’origine, je viens d’ici, dit-il, un sourire détendu imprimé en permanence sur les joues. Un jour, je suis parti vivre à Paris travailler comme électricien; j’y suis resté deux ans, je n’en pouvais plus de la vie là-bas. Alors je suis revenu ici, et depuis, je ne regrette pas un jour vécu dans cette île. »

Et moi, aucune des heures de la trop courte journée que j’ai passée à Terre-de-Bas.

 

Un nouveau Karu’Ferry plus pratique

Depuis qu’une nouvelle navette Karu’Ferry a été lancée entre Bouillante et les Saintes, en juillet dernier, on peut désormais gagner Terre-de-Bas (ainsi que Terre-de-Haut) en environ 75 minutes depuis cette petite localité de Basse-Terre.

Crédit : Gary Lawrence

C’est, bien sûr, plus long que la navette qui part de Trois-Rivières, mais on évite ainsi les bouchons qui nuisent souvent à l’accès depuis cette localité. Mieux : de la sorte, on longe par la mer la portion sud de la splendide côte ouest de Basse-Terre – qui, comme son nom ne l’indique pas, est dramatiquement montagneuse. On peut ainsi admirer ses hauts sommets, noter les humeurs du temps dans les hauteurs, relever les grappes de villes et villages qui s’accrochent aux flancs de l’île, saluer le phare de Vieux-Fort…

Crédit : Gary Lawrence

La navette maritime, flambant neuve, est munie de sièges capitonnés, est bien recouverte pour parer aux intempéries et est pilotée par un capitaine hyper sympa accompagné d’un équipage avenant. karuferry.com

 

À savoir

  • Air Canada relie Montréal à Pointe-à-Pitre de 4 à 6 fois/semaine, toute l’année, en environ 5 h de vol;
  • À partir de novembre 2025, Air Transat offrira la même liaison 4 fois/semaine – désormais à l’année –, alors que dès le 6 décembre, Air France fera de même 2 fois/semaine, jusqu’au 15 mars.
  • De Québec, Air Transat entamera un nouveau vol hebdomadaire et annuel vers Pointe-à-Pitre, tous les mercredis, du 18 février 2025 au 29 avril 2026.

Info : lesilesdeguadeloupe.com et terredebas.com

À lire aussi : Marie-Galante, ou la douceur de vivre à a guadeloupéenne