Boeing : le ras-le-bol d’Alaska et de United Airlines

Les déboires de l’avionneur états-unien sont en train de repousser les limites de la patience des dirigeants de deux de ses gros clients.


Les dirigeants d’United Airlines et d’Alaska Airlines ont vivement critiqué Boeing mardi dernier en raison des problèmes de fabrication qui ont entraîné la mise à l’arrêt de plus de 140 de leurs avions.

Le PDG d’United a même déclaré que son entreprise envisage des alternatives à l’achat d’une future version du Boeing 737, le Max 10.

« Je suis plus que frustré et déçu : je suis en colère! », a pour sa part déclaré le PDG d’Alaska Airlines, Ben Minicucci, dans une interview diffusée mardi soir sur NBC Nightly News. « Ma demande à Boeing est la suivante : que vont-ils faire pour améliorer leurs programmes de qualité à l’interne? »

Le PDG d’United, Scott Kirby, a quant à lui ajouté que Boeing a besoin d’une « action concrète » pour rétablir sa réputation en terme de qualité.

 

Des sorties inhabituelles

Ces critiques franches et inhabituelles à l’encontre de Boeing provenant de ces dirigeants de compagnies aériennes font suite à l’incident du 5 janvier dernier au cours duquel une porte-bouchon s’est détachée d’un Boeing 737 Max 9 à 16 000 pieds (4 900 mètres) au-dessus de l’Oregon, laissant un trou béant sur le côté de l’avion.

Les régulateurs américains ont dès lors immobilisé la plupart des Max 9 le lendemain, et les enquêteurs examinent toujours si des boulons qui aident à maintenir le panneau en place étaient manquants ou se sont cassés.

United, qui n’a pas pu utiliser ses 79 Max 9 depuis ce jour, a révélé lundi qu’elle s’attend à subir des pertes au cours des trois premiers mois de cette année en raison de cette immobilisation.

Même si Scott Kirby croit que les Max 9 pourraient bientôt être autorisés à voler de nouveau, il se dit néanmoins « déçu que les problèmes de fabrication continuent de se produire chez Boeing ».

Au cours des dernières années, des défauts de fabrication ont parfois retardé les livraisons des avions Max ainsi que des B787. L’an dernier, United a ainsi reçu 24 avions Boeing de moins que prévu.

 

Une commande de Max 10 remise en cause

Si United a une commande en attente pour des avions Max 10, une version plus grande de la gamme Max, ce modèle et un autre plus petit, le Max 7, accusent tous deux un retard de plusieurs années dans la certification de la Federal Aviation Administration (FAA).

L’immobilisation des Max 9 risque de compliquer davantage la démarche de Boeing pour obtenir l’approbation de ses nouveaux modèles.

Selon Scott Kirby, le Max 10 a au moins cinq ans de retard sur le calendrier et sa livraison pourrait être repoussée encore plus loin dans l’avenir. « Je pense l’immobilisation du Max 9 est, pour nous, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », a-t-il déclaré à CNBC. « Nous allons au moins élaborer un plan qui n’inclut pas le Max 10 », a-t-il poursuivi.

Les compagnies aériennes annulent rarement des commandes, mais elles changent parfois de modèle en attente des livraisons. Scott Kirby n’a pas précisé quels avions United pourrait acquérir à la place du Max 10, mais il a expliqué que sa compagnie était en discussions avec Boeing. Or, un seul autre fabricant mondial d’avions de grande taille peut concurrencer Boeing à cet égard, soit son rival européen Airbus.

Renoncer au Max 10 signifie probablement que United, basée à Chicago, ne croîtra pas aussi rapidement qu’elle l’espérait, a ajouté Scott Kirby.

Pour sa part, Ben Minicucci a déclaré qu’Alaska Airlines, qui possède 59 Max 9, avait prévu commander des Max 10, mais il a laissé entendre que cela pourrait changer. « Tout est possible à ce stade… nous allons faire ce qui est le mieux pour Alaska Airlines à long terme, en termes de composition de la flotte », a-t-il déclaré.

 

Des excuses de Boeing

Stan Deal, PDG de la division avions commerciaux de Boeing, s’est excusé pour l’immobilisation du Max 9 et a déclaré que l’entreprise apporterait des changements.

« Nous avons déçu nos clients et nous sommes profondément désolés pour les perturbations que cela a engendré, a déclaré Stan Deal. Nous prenons des mesures dans le cadre d’un plan global pour remettre ces avions en service en toute sécurité et améliorer notre qualité et nos performances de livraison ».

Les travailleurs de production de l’usine 737 de Boeing à Renton, Washington, consacreront la journée de jeudi à des « séances de travail axées sur la qualité ». Les sessions permettront aux travailleurs de « faire une pause, d’évaluer ce qu’ils font, comment ils le font et de faire des recommandations d’amélioration », a déclaré le PDG.

L’entreprise promet des sessions similaires dans toutes ses usines d’avions commerciaux.

 

Surveillance et enquête

La FAA a renforcé la surveillance de Boeing et enquête sur la question de savoir si l’entreprise et ses fournisseurs – principalement Spirit AeroSystems, qui a fabriqué la porte-bouchon – respectent les procédures de qualité en matière de fabrication.

Le National Transportation Safety Board enquête pour sa part sur l’accident survenu sur le 737 Max 9 d’Alaska Airlines.

Rappelons que le Max, la gamme d’avions la plus vendue de Boeing, a une histoire trouble qui remonte aux accidents de 2018 et 2019 qui ont coûté la vie à un total de 346 personnes. Ces accidents – en Indonésie et en Éthiopie – avaient impliqué des Max 8 et étaient attribués en grande partie à un système de commande de vol automatisé que Boeing a ensuite revu.

Tous les avions Max avaient alors été immobilisés dans le monde entier pendant 20 mois, après ces accidents. Les enquêteurs du Congrès ont critiqué Boeing pour ne pas avoir corrigé les défauts de conception et la FAA pour sa faible surveillance du constructeur d’aéronefs.

 

Des actions qui fluctuent

Les actions d’United Airlines Holdings Inc. ont augmenté de 5 % mardi, premier jour de négociation depuis que la société a annoncé qu’elle perdrait jusqu’à 85 cents par action au premier trimestre en raison de l’immobilisation du Max 9, mais qu’elle gagnerait entre 9 et 11 dollars par action pour l’ensemble de l’année – une perspective meilleure que ce à quoi s’attendaient les analystes, pour 2024.

Les actions du groupe Alaska Airlines, basé à Seattle, ont pour leur part gagné 3 %. Quant aux actions de The Boeing Co., basé à Arlington, en Virginie, elles ont chuté de moins de 2 %.

 

Autre incident

Comme si ça n’allait pas déjà assez mal pour Boeing, un autre incident impliquant un appareil de l’avionneur a eu lieu le week-end dernier.

Un B757 de Delta Airlines quittant Atlanta pour la Colombie a ainsi perdu un pneu de son train d’atterrissage avant, lors du décollage.

Personne n’a été blessé et tous les passagers sont montés à bord d’un autre appareil.