Tandis qu’Air Canada en appelle au gouvernement fédéral pour régler le conflit en cours, les gens d’affaires et l’ACTA appuient la démarche mais l’ALPA et Transat s’indignent.
Tel que révélé hier par le quotidien La Presse, Air Canada confirme avoir demandé au gouvernement fédéral une intervention inédite pour mettre un terme à la menace de grève de ses pilotes, qui pourrait être annoncée dès ce dimanche.
Les discussions entre le transporteur et l’Air Line Pilots Association (ALPA), qui représente plus de 5 200 pilotes d’Air Canada et d’Air Canada Rouge, sont en cours depuis maintenant 100 jours. Les parties se seraient entendues de façon préliminaire sur 70 % des plus de 1 000 changements au contrat proposés par l’ALPA.
« Cela comprend une augmentation salariale de 30 %, des bonifications significatives du régime de retraite à prestations déterminées et des programmes de soins de santé des pilotes, davantage de dispositions pour la conciliation travail-vie personnelle, et des améliorations aux affectations qui permettent entre autres aux pilotes de passer plus de temps chez eux », plaide Air Canada. En retour, Air Canada affirme ne pas avoir pas demandé de concessions.
Air Canada dit ne pas souhaiter une intervention immédiate du fédéral mais est toutefois d’avis que, si les pourparlers prennent fin sans entente, le gouvernement du Canada devrait recourir à ses pouvoirs afin d’imposer un arbitrage exécutoire direct, conformément à l’article 107 du Code canadien du travail, avant que ne débute une interruption de travail.
L’ALPA et Transat réagissent
Le syndicat des pilotes d’Air Canada, l’ALPA, rétorque plutôt que « Air Canada continue d’afficher des profits records – et de récompenser généreusement ses dirigeants – tout en s’attendant à ce que les pilotes acceptent une rémunération inférieure au marché, dit Charlene Hurdy, présidente du Conseil exécutif supérieur d’Air Canada ALPA. Air Canada devrait revenir à la table des négociations et prendre au sérieux la conclusion d’un contrat qui reflète les contributions uniques de ses pilotes. »
De son côté, Transat dénonce l’éventuelle intervention d’Ottawa, arguant que cela créerait un dangereux précédent, en plus d’offrir à Air Canada un avantage indû que le transporteur à l’étoile bleue n’a pas eu lors de ses propres négociations, récemment.
Dans le cadre d’une conférence téléphonique tenue hier pour commenter les résultats financiers du groupe, la présidente et cheffe de la direction de Transat, Annick Guérard, rappelle ainsi que son entreprise a été durement touchée cette année par plusieurs épisodes de négociations collectives avec ses agents de bord, sans avoir droit au même traitement.
Selon elle, accéder à la requête d’Air Canada constituerait un avantage concurrentiel au détriment des autres compagnies aériennes canadiennes, à commencer par Air Transat. En outre, la présidente estime qu’Air Canada a « suffisamment bénéficié du soutien du gouvernement Trudeau ».
Mme Guérard rappelle ainsi que si Transat a reçu 740 millions de dollars de prêts remboursables de la part du fédéral pendant la pandémie – ce qui a fait exploser sa dette -, Air Canada a reçu un investissement en capital de 500 millions du gouvernement fédéral « et ce, sans conditions restrictives.»
Le jour même de l’annonce de la demande d’Air Canada, Transat dévoilait d’ailleurs des pertes dans le cadre du troisième trimestre de son exercice 2024.
Les gens d’affaires montent au front
Parallèlement, un groupe composé des principaux leaders de la communauté d’affaires canadienne s’est réuni à Ottawa, jeudi le 12 septembre, pour demander au gouvernement fédéral « d’intervenir rapidement pour protéger les passagers et éviter une perturbation généralisée ».
Depuis la pandémie, disent-ils, le gouvernement fédéral a insisté sur la nécessité de protéger les passagers contre les interruptions de voyage. Avec des milliers de Canadiens qui dépendent du transport aérien, toute interruption de travail entraînerait des conséquences considérables tant pour l’économie que pour les individus.
« Le Canada ne peut pas se permettre une autre perturbation majeure de son réseau de transport, dit Goldy Hyder, président et chef de la direction du Conseil canadien des affaires. Une interruption de travail chez Air Canada entraînerait des répercussions sur notre économie, du tourisme en passant par les chaînes d’approvisionnement essentielles.»
Même son de cloche du côté de Candace Laing, présidente et cheffe de la direction de la Chambre de commerce du Canada. « Les Canadiens ne sont pas à la table des négociations et sont impuissants face aux résultats. Nous avons besoin d’une action proactive et décisive de la part de tous les acteurs et du gouvernement fédéral afin d’éviter des conséquences plus dommageables pour tous. »
Karl Blackburn, président-directeur général du Conseil du patronat du Québec, se dit tout aussi inquiet. « Une interruption de travail à Air Canada aurait de graves conséquences pour nos entreprises partout au Québec, en particulier dans des secteurs tels que la fabrication, le tourisme et les exportations.»
L’ACTA ajoute son grain de sel
Lors du Sommet de l’ACTA, hier à Toronto, la présidente de l’Association Wendy Paradis a tenu à souligner l’importance d’un règlement entre les deux parties.
« Nous vivons la troisième menace de grève dans le secteur des transports en trois mois au Canada, dit-elle. Cela crée des ravages dans notre industrie, et du stress pour chaque personne dans cette salle. »
La semaine dernière, l’ACTA avait déjà exhorté le gouvernement fédéral « à intervenir rapidement pour faciliter une résolution afin d’éviter un autre défi important pour l’industrie du voyage. »
Hier, l’Association des hôtels du Canada et la Chambre de commerce nationale ont joint leur voix à la sienne. « Notre message est : négocier et parvenir à une résolution dès que possible, dit-elle. Faites tout ce qui est en votre pouvoir pour que ces trois parties trouvent une solution. »
Wendy Paradis rappelle que toutes les informations à jour se trouvent sur le portail des conseillers en voyages d’Air Canada « Si vous ne vous êtes pas familiarisé avec le portail, il est vraiment important de le faire afin que vous puissiez être le meilleur conseiller en voyages possible pour vos clients, dit-elle. C’est là que vous trouverez les informations les plus récentes. »