Air Canada condamnée à verser 10 M $ à des passagers

« Une condamnation à des dommages-intérêts punitifs est nécessaire pour dénoncer ce comportement », dit la Cour d’appel du Québec.


La Cour d’appel du Québec a ordonné à Air Canada de verser plus de 10 millions de dollars en dommages-intérêts à des passagers, dans le cadre d’un recours collectif alléguant que la compagnie avait facturé plus que le prix annoncé des billets.

Dans une décision rendue mardi (22 avril), la juge Judith Harvie a statué qu’Air Canada a fait preuve « d’ignorance et de laxisme » en concluant qu’elle était exemptée d’une disposition de la Loi sur la protection du consommateur, sous prétexte que le transport aérien relève généralement de la compétence fédérale.

« La faute est grave, délibérée et touche un grand nombre de consommateurs », lit-on dans le jugement. Air Canada a mis ses intérêts commerciaux en avant, démontrant un sérieux manque de considération et de soin envers les consommateurs. Une condamnation à des dommages-intérêts punitifs est nécessaire pour dénoncer ce comportement. »

 

Une saga de 15 ans

La décision infirme un jugement de première instance qui avait reconnu une infraction à la loi sans toutefois accorder de dédommagement, jugeant qu’aucun préjudice n’avait été démontré.

L’affaire, qui dure depuis 15 ans, a été lancée par un groupe de défense des consommateurs et un résident de Montréal, Michael Silas, qui affirmait que la compagnie aérienne n’avait pas inclus tous les frais supplémentaires, comme la surcharge de carburant, dans le prix affiché en ligne, contrevenant à une loi sur la protection du consommateur entrée en vigueur quelques semaines avant son achat de billet en 2010.

Silas a indiqué avoir été facturé 124 $ de plus en taxes, frais et surcharges que le tarif affiché au départ sur le site Web d’Air Canada.

Dans leur réclamation initiale, les demandeurs soutenaient que la compagnie aérienne empêchait les clients de faire des choix éclairés et devait rembourser les montants facturés au-delà du prix annoncé, hors taxes.

La juge a noté qu’Air Canada « ne conteste plus » avoir enfreint la loi provinciale, tout en ajoutant que « la preuve ne démontre pas qu’un consommateur en particulier a effectivement été induit en erreur. »

 

Un appel possible

Air Canada a indiqué qu’elle examinait la possibilité de porter cette décision en appel.

Le porte-parole Peter Fitzpatrick a déclaré que le jugement repose principalement sur une divergence d’interprétation quant à la signification et à « l’interaction des lois fédérales et provinciales » avant février 2012, des questions clarifiées depuis par la jurisprudence.

« Les circonstances ayant donné lieu à cette décision ne sont donc plus d’actualité depuis 2012 », a-t-il affirmé par courriel.

L’Union des consommateurs a contesté la présentation des faits par la compagnie aérienne. « Contrairement aux prétentions d’Air Canada, les violations de la Loi sur la protection du consommateur sanctionnées par la Cour ne sont pas des détails techniques. Au contraire, elle a sévèrement dénoncé le comportement “négligent et insouciant” de l’entreprise », a déclaré par courriel Maxime Dorais, co-directeur général de l’organisme.

 

La multiplication des frais

Le jugement survient dans un contexte de débat sur la multiplication des frais supplémentaires imposés par les compagnies aériennes, parfois qualifiés de « frais cachés », ou considérés par d’autres comme une manière d’offrir plus de choix aux voyageurs.

En janvier, Air Canada a commencé à facturer des frais à ses clients des classes les plus économiques pour les bagages enregistrés lors de vols en Amérique du Nord ou vers des destinations soleil — 35 $ pour le premier bagage, 50 $ pour le second. Ces types de bagages ne sont désormais plus autorisés dans les compartiments supérieurs pour les voyageurs de la classe tarifaire « de base ».

Ces changements marquent un virage vers un modèle de compagnie aérienne à bas prix pour le plus grand transporteur aérien du pays, qui, à l’instar de ses concurrents, s’appuie de plus en plus sur les frais accessoires pour des services auparavant inclus, allant des bagages enregistrés aux collations et au Wi-Fi à bord.

 

Fractionner les prix, oui mais…

La juge semble avoir pris position dans son jugement de mardi. « La pratique continue d’Air Canada de fractionner les prix vise avant tout à maintenir son intérêt concurrentiel sur le marché, non à protéger les intérêts des consommateurs », a-t-elle écrit.

Dans sa défense, la compagnie aérienne a soutenu que les consommateurs sont souvent sensibles au prix affiché initialement, qui n’inclut pas les frais supplémentaires, et qu’ils comparent les offres sur cette base, a-t-elle noté.

« Les intérêts des consommateurs ne sont certainement pas mieux servis par une infraction à la loi, même si celle-ci résulte d’une pratique répandue dans l’industrie », peut-on lire dans la décision. Au contraire, cela penche plutôt en faveur d’une plus grande transparence, en affichant dès la première étape de navigation sur le site Web d’Air Canada l’ensemble des informations dont dispose l’entreprise, incluant le tarif de base, le montant des frais et celui des taxes. »

 

Une somme insuffisante selon les demandeurs

Les 10 millions de dollars en dommages-intérêts représentent un montant de 14,45 $ par billet vendu aux membres du groupe visé par le recours collectif, entre le 30 juin 2010 et le 8 février 2012, selon la décision.

L’Union des consommateurs a indiqué qu’elle envisageait de faire appel de la décision, la Cour ayant refusé d’ordonner un remboursement complet de tous les « frais facturés illégalement », selon l’organisme.