Frustration et anticipation de la part de l’industrie face aux mesures budgétaires visant à remédier aux retards des vols

31 mars 2023 – Le gouvernement fédéral a mis le transport aérien dans sa ligne de mire après avoir présenté dans son budget des plans visant à accélérer les contrôles de sécurité dans les aéroports et à réduire les retards des vols, mais l’industrie et les défenseurs des droits de l’homme restent sceptiques.

Déposé mardi par les libéraux à la suite d’une année de turbulences dans le secteur du transport aérien, le budget promet 1,8 milliard de dollars sur cinq ans à l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) pour améliorer le contrôle des passagers et renforcer la sécurité dans les aéroports.

Il propose également une nouvelle règle obligeant les compagnies aériennes et les aéroports à partager et à communiquer leurs données afin de réduire les retards et de renforcer la coordination au sein de l’industrie.

Le budget autorise en outre le ministre des transports à imposer une taxe aux transporteurs pour les aider à couvrir les coûts de résolution des plaintes des passagers. En théorie, cette mesure devrait inciter les transporteurs à améliorer leur service et donc à réduire les plaintes à leur encontre.

Ces deux mesures nécessiteraient une législation supplémentaire.

Le secteur de l’aviation a réagi de manière mitigée au budget. Jeff Morrison, qui dirige le Conseil national des compagnies aériennes du Canada, a déclaré qu’il s’agissait d’une “occasion manquée” de donner un coup de pouce au secteur et qu’il ne comportait “aucune mesure significative pour améliorer le voyage” des voyageurs.

“En tant que l’une des industries les plus durement touchées par la pandémie de grippe aviaire, le CNAC espérait des mesures plus concrètes pour renforcer l’ensemble du système de transport aérien grâce à des investissements destinés à soutenir la modernisation de l’infrastructure”, a-t-il déclaré dans un communiqué de l’organisation qui représente quatre des plus grands transporteurs du pays, dont Air Canada et WestJet.

Le loyer de plus de 400 millions de dollars qu’Ottawa perçoit chaque année des aéroports devrait être réinvesti dans ces derniers, a-t-il ajouté.

Monette Pasher, directrice du Conseil des aéroports du Canada, a adopté un ton plus léger, déclarant que le groupe était encouragé par ce qu’elle a appelé des mesures “progressives” pour aider le secteur et améliorer l’expérience des passagers.

“Les aéroports de tout le pays se félicitent de ces nouvelles mesures”, a-t-elle déclaré dans un communiqué. “Toutefois, il reste encore du travail à faire pour que les aéroports soient pleinement sur la voie de la reprise.

Sylvie De Bellefeuille, avocate du groupe de pression Option consommateurs, a déclaré que “le diable est dans les détails” concernant le partage des données, y compris le degré d’accès public et les rapports en temps opportun.

“Cela dépend vraiment de ce qu’ils devront fournir”, a-t-elle déclaré.

Actuellement, les compagnies aériennes partagent avec les aéroports des informations sur les horaires des vols quotidiens et les types d’avions.

“Les compagnies aériennes disent essentiellement qu’il est nécessaire de garder le nombre de passagers confidentiel pour des raisons commerciales”, a déclaré John Gradek, qui enseigne la gestion de l’aviation à l’université McGill. “Mais les aéroports ont vraiment besoin de ces informations pour pouvoir remplir correctement leurs différentes fonctions.

“Les informations sur les vols sont intéressantes, mais ce sont surtout les passagers qui passent dans le bâtiment et qui permettent de s’assurer qu’il y a suffisamment de personnel au comptoir, de personnel pour les bagages ou de personnel de l’ACSTA ou de l’ASFC (Agence des services frontaliers du Canada)”, a-t-il ajouté.

Ces mesures budgétaires font suite à l’engagement pris en janvier par le ministre des transports, Omar Alghabra, de réviser la charte des droits des passagers aériens du pays, après des saisons de voyage chaotiques durant les vacances d’été et d’hiver, dues à une demande en hausse et à des conditions météorologiques défavorables.

Le budget a étoffé ce plan un peu plus mardi, en déclarant que les réformes de ce printemps aligneront le régime des droits des passagers aériens sur les “principales approches internationales” et rationaliseront la procédure de plainte.

Les règles de l’Union européenne, souvent considérées comme la référence en matière de protection des passagers, prévoient une indemnisation en cas d’annulation de vol ou de retard important, sauf en cas de “circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées”, telles que des conditions météorologiques extrêmes ou une guerre. En revanche, les règles canadiennes comportent une faille qui exempte les compagnies aériennes de l’indemnisation des passagers lorsque les retards sont dus à des “raisons liées à la sécurité”.

La proposition budgétaire visant à accélérer le traitement des plaintes des passagers aériens (l’arriéré atteint aujourd’hui 42 000 plaintes, selon l’Office des transports du Canada) consiste essentiellement à transformer le processus d’arbitrage quasi judiciaire de l’organisme de réglementation en un “processus de médiation-arbitrage”.

L’Office a déclaré au Parlement qu’environ 97 % des plaintes qu’il traite sont résolues par des processus informels plutôt que par l’arbitrage.

“L’agence semble déjà agir non pas nécessairement comme un médiateur, mais plutôt comme un facilitateur dans le processus”, a déclaré M. De Bellefeuille, affirmant que les deux rôles sont comparables. L’autorité de régulation ne suit pas les résultats de ces résolutions, à l’exception des trois pour cent d’entre elles qui atteignent le stade du tribunal, a-t-elle fait remarquer.

“Nous ne savons donc pas si elles sont favorables ou non au consommateur, car nous ne disposons pas des détails. Cela va-t-il changer ?” a-t-elle demandé. “Encore une fois, cela dépend toujours de la manière dont c’est rédigé.

Le président du groupe de défense des droits des passagers aériens, Gabor Lukacs, craint que la réforme de la médiation et de l’arbitrage ne soit “un autre moyen de donner l’impression que les choses sont résolues … tout en rejetant de nombreuses plaintes valables – c’est ce que je crains”.