Amorcée pendant la pandémie, la tendance s’intensifie en raison des tribulations commerciales avec les États-Unis et les préoccupations économiques.
L’incertitude liée à la guerre commerciale entre les États-Unis et le Canada, les craintes économiques et les risques de perte d’emploi rendent la vente d’assurance voyage plus facile que jamais. C’est là un changement radical par rapport à une époque pas si lointaine où les conseillers se faisaient dire « non merci » ou « je n’en ai pas besoin » après avoir proposé une assurance voyage à leur client.
Désormais, ce sont certains clients eux-mêmes qui abordent le sujet avant les conseillers.
« Nous avons constaté une nette augmentation des assurances annulation, dit Robert Townshend, président de Total Advantage Travel & Tours. Et maintenant, les clients nous posent des questions avant même que nous ayons eu le temps de leur en parler. Beaucoup de gens s’inquiètent notamment que les tarifs douaniers leur fassent perdre leur emploi. Ils ne veulent pas laisser cela au hasard. »
L’attrait des assurances tous azimuts
Selon Robert Townshend, presque tous les nouveaux clients de son agence lui ont posé des questions sur l’assurance voyage depuis l’annonce des tarifs. « La plupart veulent une formule incluant une clause d’annulation “pour n’importe quelle raison” », dit-il.
Le conseiller en voyages Gilbert Manza, de Executive Travel Services Inc., confirme aussi que les options d’annulation « pour toute raison », notamment celles proposées par de nombreux voyagistes, sont très populaires auprès de ses clients.
« Ils veulent toujours partir, mais ils tiennent à protéger leur investissement en cas de perte d’emploi ou d’autres situations économiques majeures, et pas uniquement pour des raisons médicales », dit-il.
Des commissions alléchantes
L’assurance voyage offre certaines des commissions les plus élevées de l’industrie, ce qui en fait un produit fort rentable pour les agents.
Si des conseillers n’ont pas constaté de hausse de vente récemment, c’est souvent parce que l’assurance voyage se vend déjà très bien depuis la pandémie. S’il y a bien eu un événement qui a fait prendre conscience aux voyageurs de l’importance de la protection de voyage, c’est bien celui-là.
C’est le cas de Jennifer McPherson, de TurnKey Travel, dont les clients n’ont pas augmenté la consommation d’assurance annulation « car la plupart d’entre eux ont toujours compris son importance – elle fait partie intégrante de leur forfait de voyage », dit-elle.
Car l’acceptation de la protection voyage par les clients a changé. Depuis la COVID, on observe un réel changement dans l’attitude du consommateur moyen. « C’est pourquoi il est essentiel que les conseillers se tiennent à jour dans leur formation sur l’assurance et comprennent tous ses détails, estime Jennifer McPherson. Ça peut sembler représenter beaucoup d’information, mais être à jour est ce qui distingue un bon conseiller d’un moins bon. »
Ses clients comptent ainsi sur elle pour les aider à naviguer parmi toutes les options de protection disponibles – des cartes de crédit aux fournisseurs, en passant par les tarifs remboursables (ou non) des compagnies aériennes.
Et les dérogations?
Par ailleurs, le client doit comprendre que la dérogation d’annulation d’un forfait ne couvre pas la période à destination et n’inclut pas tous les avantages d’une police d’assurance voyage, comme l’interruption illimitée du voyage.
« Je pense que ce bénéfice en particulier est devenu un grand argument de vente depuis la pandémie, surtout quand on sait que de nombreuses cartes de crédit ne l’incluent plus ou le limitent », poursuit Jennifer McPherson.
Chez Lush Life Travel, Sheila Gallant-Halloran relève un autre phénomène dans ce climat de guerre commerciale. « Ce que je remarque, c’est une récente réticence des clients canadiens à réserver avec des entreprises basées aux États-Unis, dans le contexte actuel d’incertitude mondiale et de tensions géopolitiques. »
Elle ajoute que non seulement ses clients évitent de plus en plus les destinations états-uniennes, mais aussi les vols avec escale aux États-Unis. Les échos des médias sur le renforcement des contrôles à la frontière pour les voyageurs non états-uniens pourraient encore accentuer cette tendance.
Le point de vue d’Allianz
Dan Keon, vice-président marketing & analyses chez Allianz Global Assistance Canada, indique qu’il observe pour sa part « quelques changements dans les destinations, avec une légère baisse des polices concernant les États-Unis au premier trimestre 2025 par rapport à 2024. » Il faudra voir si cela se confirme à long terme, ajoute-t-il.
Et si un client veut changer de destination après avoir réservé pour les États-Unis ? « La destination du voyage peut influencer la police d’assurance selon le fournisseur, poursuit-il. Si le client modifie sa destination, il doit vérifier si sa police d’assurance peut ou doit être ajustée. »
Du reste, Allianz recommande à tous les voyageurs de souscrire une assurance annulation. « Les prestations d’annulation incluent généralement des raisons spécifiques, mais un changement d’avis n’est généralement pas couvert, sauf si le client a acheté une police avec l’option “Annulation pour raisons inconnues à tout moment”, précise Dan Keon. À cet égard, il est important de lire attentivement sa police pour bien comprendre ce qui est couvert – et ce qui ne l’est pas. »
Du côté de Manuvie
Pamela Wong, responsable du segment affinités chez Manuvie Canada, souligne que « bien qu’il soit encore tôt pour tirer des conclusions, les Canadiens commencent à reprogrammer leurs voyages vers d’autres destinations », constate-t-elle – comme c’est le cas de bien des acteurs de l’industrie.
« La bonne nouvelle, ajoute-t-elle, c’est qu’il existe beaucoup de flexibilité lors de l’achat d’assurance. Par exemple, les produits médicaux seuls peuvent être remboursés jusqu’au jour du départ. »
Du reste, l’experte conseille de bien lire les conditions spécifiques de sa police, car l’assurance annulation couvre une vaste gamme de raisons, parfois surprenantes : maladie ou blessure (du voyageur, de ses compagnons ou de membres de la famille), décès, conditions météorologiques extrêmes, catastrophes naturelles, obligations légales (jury, convocation au tribunal), perte d’emploi inattendue…
« Généralement, changer d’avis ou décider de ne plus voyager pour des raisons personnelles n’est cependant pas couvert, ajoute Pamela Wong. Mais certaines polices offrent une option “Annulation pour toute raison”(CFAR) qui permet effectivement d’annuler son voyage pour presque n’importe quelle cause non couverte par une police standard. Celle-ci rembourse normalement un pourcentage des coûts payés à l’avance et qui sont non remboursables. »
L’explosion postpandémique
Jennifer Waver, vice-présidente associée et responsable de la distribution voyage chez Manuvie Canada, constate pour sa part qu’après la COVID, « l’assurance voyage a connu une explosion des ventes », dit-elle.
Une enquête du Conference Board du Canada a d’ailleurs révélé que 82 % des Canadiens ont voyagé avec une couverture d’assurance, en 2022.
« Nous remarquons également que les Canadiens voient de plus en plus leurs voyages comme des investissements et qu’ils dépensent davantage par voyage, notamment pour des voyages de rêve, explique Jennifer Waver. Ce type de séjour incite davantage à souscrire une assurance pour protéger son investissement. »
Il existe même ce que l’on appelle le cumul de protection. « Il existe plusieurs types d’assurances voyage, et on peut donc les combiner selon ce que l’on souhaite couvrir », précise Pamela Wong.
Par exemple, on peut souscrire une assurance médicale annuelle multivoyages, qui couvre plusieurs déplacements au cours d’une année; ensuite, si on réserve un voyage spécifique, on peut y ajouter une couverture non médicale (comme l’annulation ou l’interruption) pour protéger cet investissement.