Les détaillants se mobilisent pour remédier au manque de main-d’œuvre qualifiée

Face à la demande croissante pour des conseillers bien formés, plusieurs regroupements de détaillants – et d’autres acteurs de l’industrie – lancent des programmes de formation.


Les propriétaires et les gestionnaires d’agences de voyages, qui peinent déjà à recruter du personnel, ne sont pas seulement à la recherche d’employés. Ils ont aussi besoin de conseillers en voyages qualifiés et bien formés, capables de rapidement entrer en fonctions et de vendre leurs produits de façon compétente et efficace.

C’est une tâche ardue, qui résulte d’une pénurie de main-d’œuvre à laquelle les détaillants de voyages sont confrontés depuis des années, aggravée par le départ à la retraite d’un nombre croissant de conseillers en voyage seniors – mais aussi, on s’en doute, par l’augmentation de la demande de voyages postpandémie.

Bref, le besoin de nouveaux conseillers en voyages n’a jamais été aussi grand.

 

Les détaillants prennent les devants

Même si certains programmes existent depuis des années, l’industrie prend de plus en plus les choses en main en développant des programmes de formation pour les agents débutants.

La formation des nouveaux venus fait partie des nombreuses tâches de Rhonda Stanley, qui dirige le programme New Agent chez The Travel Agent Next Door, en tant que vice-présidente du développement des talents depuis une décennie.

D’autres programmes sont tout nouveaux. Rien que la semaine dernière, le CAA Club Group of Companies (CCG, qui regroupe le CAA de South Central Ontario et celui du Manitoba) a annoncé le lancement de l’Académie du voyage CCG ce printemps, pour aider à combler le « fossé des compétences » qui se creuse entre les conseillers débutants et les chevronnés. De son côté, TravelSavers Canada annonçait l’introduction de son programme éducatif KORE sur le marché canadien, à quelques jours d’intervalle.

 

Impact sur la croissance des agences de voyages

Wendy Paradis, Présidente de l’ACTA

La présidente de l’ACTA, Wendy Paradis, estime que bien que la pénurie de main-d’œuvre dans l’industrie du voyage au détail se soit améliorée ces dernières années, les échos qu’elle reçoit de ses membres indiquent que « le manque de main-d’œuvre qualifiée est toujours l’un des problèmes les plus critiques qui affectent la croissance des agences. »

Il y a quelques années, nombreux étaient les programmes de voyages et de tourisme des collèges et établissements d’enseignement qui visaient spécifiquement la formation des agents de voyage. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, selon Wendy Paradis.

« L’ACTA collabore avec de nombreux établissements à travers le Canada, dit-elle. Au cours de la dernière décennie, nous avons constaté une diminution des programmes de formation spécifique pour conseillers en voyage au profit de programmes plus généralisés. Certains établissements offrent encore des cours visant essentiellement la formation des agents, mais l’écart avec la formation générale est notable. »

 

Quand l’ACTA passe à l’acte

En 2019, l’ACTA a développé son propre programme de formation. Après consultation de ses membres, l’Association a mis à jour les normes nationales pour la profession de conseiller en voyage et a développé un cours en ligne appelé « Les Essentiels du conseiller en voyages. »

Disponible en anglais et en français, le cours offre une formation étape par étape adaptée aux nouveaux venus dans l’industrie. L’ACTA a également conçu un programme de jumelage pour les conseillers en voyage indépendants diplômés du programme Les essentiels de l’agent de voyage.

De nombreux membres de l’ACTA, des agences de voyages et des agences hôtes utilisent ce programme pour former de nouveaux conseillers, ou alors ils développent leur propre programme de formation spécifique à leurs besoins, explique Wendy Paradis.

« Nos membres nous disent également qu’ils constatent un grand intérêt de la part de personnes intéressées à devenir conseiller en voyage à temps partiel, ou pour une seconde carrière », ajoute la présidente.

 

Du côté du CAA

Pour sa part, l’Académie du voyage CCG de CAA est un programme payant de deux mois qui se déroulera deux fois en 2024, puis trimestriellement à partir de 2025. Il comprendra un mélange de formation en classe ainsi que sur le terrain. Les nouvelles recrues rejoindront automatiquement la session de cours la plus proche de leur date d’embauche. « Au Québec, on ne prévoit pas offrir ce programme pour l’instant », confirme cependant Philippe Blain, vice-président Voyages au CAA-Québec.

Catherine Sieniewicz, vice-présidente du Voyage et du commerce au détail, CAA Club Group of Companies

Catherine Sieniewicz, vice-présidente du Voyage et du commerce au détail du CCG, assure que sa priorité absolue est toujours de fournir un service exceptionnel aux membres du CAA. « Alors que nos associés travaillent avec diligence pour y parvenir, il est difficile de répondre aux attentes lorsque nous manquons de personnel, dit-elle. Nous espérons que ce plan nous aidera vraiment à renforcer notre bassin de personnel compétent afin de maintenir le niveau de services pour lesquels nous sommes reconnus. »

Du reste, le CCG espère recruter et former près de 20 nouveaux associés dans l’Académie au cours de la première année. « C’est une approche totalement nouvelle pour nous, ajoute Catherine Sieniewicz. Nous sommes leaders en matière de formation et de développement des associés, et nous offrons des centaines de cours à l’interne, à chaque année. »

 

De l’art de vendre les voyages

Jane Clementino, vice-présidente senior et directrice générale de TravelSavers Canada, explique que les propriétaires d’agences ne parlent pas seulement de l’intégration de nouveaux venus dans l’industrie, mais qu’ils veillent également à ce que ces nouveaux arrivants soient formés de manière à répondre aux besoins spécifiques du marché canadien, notamment vu la demande croissante des consommateurs pour les services des professionnels du voyage après la pandémie.

« D’après ce que nous constatons, deux raisons différentes expliquent les besoins en matière de main-d’œuvre, dit Jane Clementino. La première tient à la nécessité de remplacer les postes de conseillers vacants en raison des changements survenus pendant la pandémie; la deuxième résulte du désir de croissance des entreprises. »

La demande reste forte et les ressources limitées, «et c’est pourquoi nous sommes ravis de présenter KORE, dans l’espoir que cet outil éducatif puisse combler ce fossé dans l’industrie du commerce des voyages. »

KORE met en relation des étudiants non affiliés avec des mentors qui sont des propriétaires et des directeurs d’agence. Il propose même un service de placement professionnel après l’obtention du diplôme. KORE a été lancé aux États-Unis en 2021 et il est désormais disponible au Canada.

Jane Clementino apprécie que KORE soit une plateforme entièrement numérique de niveau collégial doté d’un programme à rythme libre. « Que vous soyez nouveau dans l’industrie, une personne cherchant à changer de carrière ou encore un propriétaire d’agence souhaitant perfectionner des compétences importantes ou former de nouveaux employés, KORE est un outil éducatif précieux qui peut être utilisé par tous dans l’industrie du voyage », dit-elle.

En plus d’avoir accès à un mentor personnel « qui est un expert du voyage bien informé », les participants obtiennent un certificat de réussite et du matériel adapté par des professionnels de l’industrie pour répondre aux besoins du marché canadien. Le programme prend environ 135 heures à compléter.

Les agences déjà affiliées à TravelSavers peuvent non seulement inscrire de nouvelles recrues pour suivre le programme KORE, mais ils peuvent également le faire avec tout membre du personnel intéressé à perfectionner ses compétences dans l’industrie du voyage, explique Jane Clementino. « Nous avons également constaté un grand intérêt de la part de propriétaires d’agences qui aimeraient participer au programme de mentorat au Canada », ajoute-t-elle.

 

Les compétences clés d’un conseiller

Pour conclure, quelles seraient les trois compétences les plus importantes à acquérir par un conseiller en voyages, à tous les niveaux?

Jane Clementino, Senior VP, TRAVELSAVERS Canada

« L’art de vendre, la maîtrise de la géographie ainsi que l’apprentissage et l’utilisation de nouvelles technologies, y compris l’IA », estime Jane Clementino.

« Des compétences exceptionnelles en service à la clientèle, la capacité à tirer profit de la technologie et savoir y naviguer, et des compétences en résolution de problèmes », assure pour sa part Catherine Sieniewicz.