Les employeurs peuvent-ils imposer la vaccination contre la COVID-19 ? Les employés peuvent-ils refuser ?

 

17 mars 2021 – Au cours des 12 derniers mois, le télétravail est passé de la nouveauté à la réalité pour une grande partie des travailleurs canadiens.

Le déploiement de la vaccination au Canada prenant désormais de l’ampleur, bon nombre d’employés (et d’employeurs) s’interrogent sur le retour éventuel à un poste de travail traditionnel.

Il ne s’agit là que du début et comme pour toute chose avec la pandémie, le retour au bureau ne se fera pas du jour au lendemain. Certains employés choisiront sans doute de faire du télétravail de façon permanente. Mais il viendra un jour où la vie professionnelle ressemblera un peu plus à la normalité.

C’est ce qui nous a amené à nous poser les questions suivantes : après une pandémie, les employeurs peuvent-ils demander à leurs employés de se faire vacciner contre le COVID-19 avant de retourner au bureau – ou dans une agence de voyage, pour les voyagistes ? Un employé peut-il refuser ? Existe-t-il des informations pour les employeurs et les employés qui ont besoin de conseils sur le sujet ?

QUESTIONS / RÉPONSES

Nous avons d’abord contacté RH à la carte, qui s’est associé à l’ACTA pour plusieurs de ses webinaires pendant la pandémie. HR à la carte nous a ensuite orientés vers Goulart Workplace Lawyers.

Jennifer Philpott, une associée de Goulart Workplace Lawyers, a répondu à nos questions dans le cadre de ce Q&A.

En quoi les questions relatives à l’obligation du vaccin COVID-19 sur le lieu de travail sont-elles problématiques ?

Jennifer Philpott : « Un an après le début de la pandémie de COVID-19, le Canada n’en est qu’aux premiers stades du déploiement du vaccin. Compte tenu du ralentissement économique causé par la pandémie, il n’est pas étonnant que les employeurs aient commencé à envisager la possibilité de mettre en place une politique de vaccination sur le lieu de travail.

» L’obligation pour les travailleurs de se faire vacciner contre le COVID-19 est un sujet polémique pour plusieurs raisons. D’abord et avant tout, la vaccination exige un certain équilibre entre les responsabilités de l’employeur en matière de santé et de sécurité et les droits des travailleurs en terme de contrat, de vie privée et de droits humains. Si de nombreuses personnes sont impatientes de recevoir leur vaccin contre la COVID-19 et de retrouver la « normalité » d’avant mars 2020, d’autres sont sceptiques quant à leur efficacité. »

Les employeurs peuvent-ils obliger leur personnel à recevoir un vaccin COVID-19 ?

J. Philpott : « Dans l’état actuel des choses, la réponse est généralement non. Par conséquent, les employeurs doivent permettre aux travailleurs qui refusent de recevoir le vaccin COVID-19 de continuer à travailler.

» Il peut y avoir un argument en faveur de la vaccination obligatoire dans les secteurs ou les industries où la main-d’œuvre d’un employeur est en contact étroit avec des populations vulnérables. Si l’employeur considère que les conditions sanitaires et de sécurité justifient la vaccination obligatoire, une telle politique serait toutefois soumise à des limites et doit être adaptée aux risques associés au lieu de travail.

» Comme mentionné ci-dessus, les politiques de vaccination obligatoire contre la grippe ont été approuvées dans des lieux de travail syndiqués, tels que les hôpitaux. Par le passé, ces politiques ont été autorisées sous certaines conditions. La politique de vaccination doit être :

  • Cohérente avec la convention collective en vigueur ;
  • Raisonnable dans les circonstances ;
  • Claire et sans équivoque ;
  • Renseignée aux travailleurs concernés, notamment en ce qui concerne les éventuelles mesures disciplinaires en cas de non-respect ; et
  • Appliquée de manière cohérente dès sa mise en place.

» Ces éléments sont utiles pour les employeurs non syndiqués qui peuvent en tenir compte lorsqu’ils décident de mettre en politique une politique de vaccination sur le lieu de travail.

» En ce qui concerne l’industrie du voyage, on pourrait faire valoir que les employés sont régulièrement en contact avec des populations vulnérables, notamment des personnes âgées qui demandent une assistance particulière pour organiser leur voyage.

» La mise en œuvre d’une politique de vaccination obligatoire sur le lieu de travail présente un risque pour les employeurs, car il reste à savoir si les tribunaux jugeront ces politiques acceptables ou non.  Cependant, les employeurs ont le droit d’encourager les membres de leur personnel à se faire vacciner, car il s’agit d’une mesure efficace pour prévenir la propagation du COVID-19. »

Que peuvent faire les employeurs si leurs employés refusent de se faire vacciner contre le COVID-19  ?

J. Philpott : « Si un employé refuse de se faire vacciner et qu’il est ensuite renvoyé pour cause, il peut réclamer des dommages et intérêts pour licenciement abusif. Un travailleur (y compris les employés, les entrepreneurs indépendants et les entrepreneurs dépendants) peut refuser de recevoir le vaccin en se fondant sur un motif de discrimination protégé par la loi, comme le handicap ou la religion/les croyances.

» Les employeurs ont le droit de poser des questions si nécessaire pour vérifier la demande d’un travailleur. Une fois que la demande du travailleur est vérifiée, l’employeur doit prendre des mesures d’adaptation pour le travailleur. Cette obligation tient jusqu’au point de la  contrainte excessive pour motifs de coût ou de santé et de sécurité. Un travailleur qui est soumis à des mesures disciplinaires, à des représailles ou à un traitement défavorable pour avoir refusé le vaccin en raison d’un motif protégé par la loi peut présenter une requête au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. Les travailleurs qui refusent le vaccin doivent continuer à se conformer aux politiques de distanciation sociale et de port du masque. »

Les employeurs peuvent-ils demander une preuve de vaccination aux travailleurs qui reçoivent un vaccin COVID-19 ?

J. Philpott : « Oui, un employeur peut demander une preuve de vaccination aux travailleurs qui reçoivent le vaccin si la demande est faite de bonne foi et est raisonnablement nécessaire pour des raisons liées à la sécurité.

» Toute information médicale ou personnelle obtenue afin de vérifier une demande doit être conservée par l’équipe des ressources humaines de l’employeur pour être gardée en sécurité. Les demandes d’informations médicales doivent être le plus discrètes possible afin de respecter la vie privée du travailleur. »

À qui les employeurs doivent-ils s’adresser pour obtenir des conseils ?

J. Philpott : « Les employeurs qui envisagent de mettre en place une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 doivent contacter un avocat spécialisé en droit du travail pour s’assurer que la politique est appropriée, raisonnable et qu’elle ne porte pas atteinte aux droits des travailleurs. »

Source : Kathryn Folliott pour le groupe Travelweek/Profession Voyages

Traduction : Emmanuelle Bouvet