Longtemps considéré comme fortement dangereux, El Salvador figure désormais parmi les pays les plus sûrs des Amériques. Mais que s’est-il passé, et est-ce si sécuritaire?
Il y a un peu plus de 5 ans, le Salvador figurait sur la très peu enviable liste des pays les plus violents de la planète. Gangrené par les maras, ces redoutables gangs armés qui imposaient leur loi partout au pays, le Salvador voyait sa population tétanisée par la peur, celle de se faire buter pour un oui ou pour un non, ou de se faire enlever pour être rançonné simplement en allant faire ses emplettes.
Puis est arrivé Nayib Bukele, élu président en 2019, qui n’a pas lésiné sur les moyens pour faire respecter la loi et l’ordre : depuis son entrée au pouvoir, au moins 70 000 personnes – pas toujours coupables – ont été envoyées en prison. Résultat : en quelques années, le spectaculaire taux d’homicide a drastiquement chuté et depuis, le président crie à qui veut l’entendre que son pays est le plus sûr des Amériques – plus sûr, même, que le Canada, dit-il.
Le taux le plus bas fait loi
Même si une telle déclaration à l’emporte-pièce est discutable, le fait demeure que le taux de criminalité du Salvador est à son plus bas niveau depuis des lustres, et que le pays est, effectivement, très sûr, comme Profession Voyages a pu le constater lors d’un séjour d’une semaine en novembre dernier.
L’ambassade des États-Unis a même fait savoir à ses 900 employés sur place qu’ils n’avaient plus de restrictions pour se rendre là où ils le voulaient à tout endroit au pays.
Malgré un tel relâchement, Affaires mondiales Canada maintient son niveau d’alerte au niveau jaune (« Faire preuve d’une grande prudence »), sur son site Web. Ses experts sauraient-ils des choses qui échappent au commun des voyageurs?
« Nous ne pouvons pas abaisser le niveau d’alerte du Salvador plus bas que celui des autres pays d’Amérique centrale, ou même que celui de la France, qui est au même niveau », explique Mylène Paradis, ambassadrice du Canada au Salvador, rencontrée lors de notre passage dans la capitale, San Salvador.
« En outre, puisque des mesures d’urgence prévalent toujours au pays et que les autorités ont toujours le droit de procéder à des arrestations arbitraires, nous n’avons pas le choix de conseiller aux citoyens canadiens de prendre un minimum de précautions lorsqu’ils voyagent au Salvador », poursuit l’ambassadrice.
Un pays sûr et mûr pour plus de touristes
Qu’on se rassure cependant : si, lors des premières années au pouvoir du président Bukele, de nombreux innocents ont été arrêtés par erreur – et ils seraient en train d’être libérés –, ce type d’arrestation arbitraire serait désormais beaucoup moins fréquent, pour ne pas dire nul : tout ce qui pouvait se retrouver en prison y est déjà, ou presque.
En outre, les arrestations sommaires ne visent aucunement les touristes, que des ressortissants salvadoriens (et, sans doute, des immigrants illégaux). Alors qu’il est en plein développement de son industrie touristique, l’État salvadorien ne peut se permettre de ternir sa réputation à cet égard.
Enfin, la présence militaire, discrète en région mais bien visible dans la capitale, témoigne du sérieux avec lequel l’État assure la sécurité au pays, au cas où de nouveaux truands émergeraient de l’ombre.
En fait, l’activité sismique du pays – on enregistre environ 6000 secousses, pas toujours perceptibles, à chaque année – est sans doute plus préoccupante que le taux de criminalité, tout comme la présence de chiens errants dans les rues des villes et villages. Mais ces gros toutous ne sont pas dangereux, juste un peu envahissants, assure-t-on là-bas.
Une renaissance touristique
Si des touristes – surtout des surfeurs et des vacanciers qui demeuraient dans leur complexe de villégiature – fréquentaient déjà le pays à l’époque où il était infréquentable, ils sont présentement nombreux à venir (re)découvrir ce pays voisin du Guatemala et du Honduras. La population y semble sur un petit nuage, décoche des sourires au premier venu et paraît carrément soulagée depuis que le niveau de sécurité s’est hissé à des niveaux sécuritaires – même si bien des Salvadoriens vivent dans des conditions plus que modestes.
Au cours des prochaines années, tout indique que le Salvador sera de plus en plus présent sur l’échiquier touristique centro-américain. D’abord, vu la qualité des vagues de ce pays tourné vers le Pacifique et l’intérêt que lui portent les surfeurs, on est en train d’aménager Surf City II, une seconde ville touristique dédiée aux adeptes de surf et de tourisme balnéaire, dans l’est du pays. Si l’on se fie à l’ambiance et à la qualité des infrastructures (hôtels, restos, bars, alouette) de la première Surf City, à La Libertad, ce nouveau projet est plus que prometteur.
Un nouvel aéroport
C’est non loin de là qu’on va bientôt entamer la construction d’un deuxième aéroport international, pour catalyser l’engouement pressenti des voyageurs pour le pays. Déjà 14 transporteurs desservent El Salvador – dont Air Transat, Avianca, Delta, United, American, Copa, Arajet et AeroMexico – et on espère en attirer d’autres avec ces nouvelles infrastructures, dont Lufthansa et même Qatar Airlines, entend-on dire à travers les branches.
Il faut savoir que les chiffres sont là pour soutenir le développement : en 2023, 3,4 millions de visiteurs étrangers sont venus au Salvador, soit 33 % de plus qu’en 2022. Le ministère du tourisme assure même que c’est son pays est celui dont la croissance touristique est la plus forte dans le monde depuis 2019. L’année 2024 semble encore plus prometteuse : de janvier à octobre, on a ainsi enregistré 19 % de hausse de la fréquentation par rapport à la même période en 2023, soit 80 % de l’objectif de 3,8 millions de visiteurs que s’est fixé le Salvador pour l’année.
Du total de visiteurs étrangers, on compte surtout des États-Uniens (1 million de visiteurs) mais aussi des Guatemaltèques (643 000), des Honduriens (410 000) et des Canadiens (48 000).
Encore du chemin à faire
Malgré tout, il reste encore bien des mythes à démolir pour convaincre davantage de voyageurs de choisir le Salvador. « J’y travaille depuis plus de deux ans, et cette année les choses semblent vouloir débloquer, dit Johanne Gervais, présidente de Voyages Munditour. C’est vraiment un pays à voir, il a beaucoup changé récemment et il est devenu très sécuritaire. Le potentiel y est énorme et c’est une destination à voir autrement qu’en tout-inclus. »
« Nous y proposons de l’hébergement dans de bons petits hôtels qui permettent de bien s’imprégner de l’ambiance des lieux et de l’âme du pays, poursuit la présidente de Munditour. Et puisque le Salvador est très petit et que ses routes sont les meilleures d’Amérique centrale, on peut se limiter à trois établissements en deux semaines pour rayonner et couvrir l’ensemble du pays. »
Plus de détails à suivre dans un prochain article, à paraître début 2025.
À savoir
- Air Transat relie Montréal à San Salvador deux fois par semaine jusqu’en mars prochain, puis une fois par semaine jusqu’en avril.
- Voyagiste notamment spécialisé sur l’Amérique centrale, Voyages Munditour a développé une expertise à nulle autre pareille sur le Salvador, au Québec. Il offre de nombreux circuits accompagnés (ou pas) sur le Salvador, suivant plusieurs thématiques.
- Créée pour promouvoir le Salvador comme destination touristique auprès des voyageurs québécois et canadiens, la CSATUC (Chambre salvadorienne de tourisme au Canada) forme une excellente ressource pour obtenir de l’information sur le pays.
L’auteur était l’invité de la CSATUC, de Voyages Munditours et d’Air Transat.