Franck Laboue
L’aventurier épicurien
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La nostalgie m’envahit alors que je reviens tout juste de ma région natale. Je suis à peine séparé de la Bretagne et pourtant ma tête est encore là bas, au bord de la mer. La Bretagne, c’est pour moi un de ces endroits qui parfois ne révèle uniquement sa vraie beauté qu’une fois séparé d’elle un certain temps. Roscoff, c’est un de ces petits ports de pêche où nous avions l’habitude de nous balader en famille les fins de semaine. Difficile d’oublier un endroit si indissociable de l’imagerie bretonne. Le vieux port de Roscoff est charmant et gorgé d’histoire, un de ces endroits où le temps n’a pas de prise. Laissez-moi vous faire découvrir un coin de mon Finistère, celui-là même qui me rend si souvent nostalgique et qui vous fera connaître un morceau trop oublié de la Bretagne.
C’EST PAR OU ?
Le port de Roscoff se situe une trentaine de kilomètres au nord de ma ville natale, Morlaix. La ville fût de tous temps un important port de pêche et de commerce. Aujourd’hui, Roscoff est le siège de la Britanny Ferries, dont les bateaux relient la Bretagne aux îles de la Grande-Bretagne. Son nouveau port en eaux profondes facilite le commerce et également l’arrivée des nombreux touristes anglais qui se déversent dans la région chaque été. Roscoff connu son âge d’or au 17ème siècle, du temps où les armateurs locaux faisaient fortune en équipant les pêcheurs qui se rendaient dans les eaux de Terre-Neuve. À cette même époque le port de Roscoff fut un des nombreux repaires de corsaires de la côte bretonne. Les toiles, le sel et d’autres denrées firent également la richesse de ce port du Léon. En longeant la route, on croise les célèbres champs d’artichauts qui couvrent le paysage, cela un donne un étonnant panorama avec la côte déchirée en arrière plan. Une fois atteint le petit village d’à peine 4 000 âmes, vous pouvez sortir sur le vieux port pour remplir vos poumons d’air marin.
FLÂNER SUR LE VIEUX PORT
Enlevez le Vieux port et Roscoff est orpheline. Au pied du phare de granit, une petite promenade longe le port. Les nombreuses petites embarcations se serrent les unes aux autres. Au gré de la marée, ces mêmes petits bateaux reposent parfois au fond du port, prisonniers des algues vertes qui s’accrochent à leur coque. La muraille de pierre qui forme le port de Roscoff nous empêche pour l’instant d’apprécier le panorama, mais dans l’ouverture au loin on peut déjà apercevoir les phares, barges, îlots et voiles qui composent le paysage marin.
J’aime me promener sur les quais, j’y retrouve l’odeur de la mer, le vent, le ballet des mouettes, les embruns iodés et tout ce qui fait que la mer me manque. En passant : vous allez vite vous apercevoir que la Bretagne est loin de rimer automatiquement avec mauvais temps et que l’été y est somptueux, laissant aux visiteurs des images d’eaux bleues rappelant les Caraïbes ainsi que des souvenirs magiques certifiés sans pluie. C’est sur le quai de Roscoff que vous pourrez prendre le ferry qui se rend sur l’île de Batz, un immense pont enjambe les rochers du port pour vous faire embarquer sur les bateaux.
Prenez le temps de marcher sur ce petit pont, il vous donnera l’occasion de mieux apprécier le panorama de Roscoff. Vous aurez alors une vue sur les murailles de la ville ainsi que sur la myriade de rochers éparpillés en face du port. On y admire les diverses teintes bleues que peuvent prendre les eaux bretonnes, le ballet des petits voiliers qui s’y fraient un chemin, la caravane des bateaux écoles, la chapelle Sainte-Barbe qui domine le port, le tout au son du cri des mouettes et du clapotis de l’eau sur le quai.
LE RETOUR DES PÊCHEURS
Si vous êtes à Roscoff en fin d’après-midi, ne manquez pas le retour des pêcheurs, véritable âme de chaque port breton, chacun de leur retour constitue un petit événement. Les imposants bateaux de pêche s’amarrent le long du vieux port, les hommes en cirés jaunes débarquent, ils ont la peau tannée par les embruns iodés. Clope au bec, ils débarquent le résultat de leur journée de labeur. Des camions réfrigérés attendent sur le quai, les bacs s’empilent, les crabes frais sont prêts à partir pour les étales de toute la région.
UN RICHE VILLAGE D’ARMATEURS
Roscoff ne se résume pas seulement à son vieux port, derrière les murs de pierre se cache un village magnifique. Après une pause pâtisserie, le temps de dévorer un Kouign-amann bien chaud, prenez le temps d’apprécier ce village au riche passé commerçant.
Ici les hôtels, maisons et autres manoirs de la rue principale constituent un riche patrimoine architectural et historique. Dans ces vieilles, pierres grises qui datent principalement du 16ème et 17ème siècle, vous pourrez admirer les établissements des riches armateurs qui ont fait l’histoire de la ville. Les hortensias le long des murets de pierre donnent une teinte de couleur typiquement bretonne à ce décor magique.
Sur ces bâtiments, et notamment l’hôtel Renaissance, le travail de la pierre autour des fenêtres et les délicates décorations sur les façades sont superbes. On y retrouve également en nombre, d’étonnants personnages et gargouilles, symbole de la foi et du folklore breton.
L’ÉPOPÉE DES « JOHNNIES »
Parler de Roscoff sans même évoquer les « Johnnies » est une hérésie. Une des choses qui me manque de la cuisine bretonne, ce sont les oignons roses de Roscoff ; ils donnent une saveur particulière à chaque recette. Cet oignon si typique du Léon est depuis 2009 une AOC. Les « Johnnies » étaient les marchands d’oignons roscovites, qui, de la fin du 19ème siècle jusqu’aux années 1950, partaient au mois d’août de l’autre côté de la Manche pour vendre leurs célèbres oignons. Du côté anglais les vendeurs furent appelés les « Johnnies ». Pourquoi un tel surnom ? À l’époque les vendeurs emmenaient fréquemment leurs enfants avec eux, ces petits s’appelaient souvent Yann ou Yannick, noms oh combien courants en Bretagne et équivalents de John et Johnny ! Cette migration saisonnière atteignit le pic de 1 400 vendeurs dans les années 1930 ! À la fin de la guerre, ces compagnies commerçantes disparurent, au profit de grandes compagnies comme Britanny Ferries aujourd’hui.
NOTRE-DAME DE CROAZ BATZ
Trônant sur la place principale du village, l’église gothique de Notre-Dame de Croatz Batz fut construite en granit au milieu du 16ème siècle. Les commerçants et armateurs de Roscoff financèrent sa construction. Ce vaisseau de granit est indissociable du panorama de Roscoff, son clocher dominant tout le village. En faisant le tour de l’église, on aperçoit ça et là de nombreuses gravures et personnages sur le toit et les murs. Les siècles d’histoire des pierres de l’église ne passent pas inaperçu, la mousse incrustée dans le toit, le gris du granit, les personnages érodés par l’usure du temps : tout fait de cette église un petit bijou d’architecture bretonne !
ON Y VA ?
Je sais que j’ai un fort parti pris tant ce village est pour moi indissociable de mon enfance. Mais vous ne pouvez pas manquer de vous arrêter à Roscoff si vous visitez le nord du Finistère. Son riche passé, l’histoire des « Johnnies », son architecture, l’ambiance unique du vieux port et ses pêcheurs … tout fait de Roscoff une étape immanquable. Admirer le panorama depuis le quai, s’émerveiller devant les poussières d’îlots qui parsèment la Manche, rêvasser en regardant le vent pousser les voiles des plaisanciers au large, je crois que tout ça fait partie de mon patrimoine génétique. En nostalgique de ma région, en amoureux transi du voyage et en infatigable curieux, je vous invite de tout mon cœur à passer un peu de temps du côté de Roscoff, ce petit port de pêche icône de toute une région.