11 questions à Michel Bernal, directeur du Bureau de tourisme de Cuba à Montréal

Si Cuba n’a pas retrouvé ses niveaux de fréquentation prépandémique, le tourisme continue d’y progresser, mais aussi d’y évoluer. On fait le point avec l’ambassadeur du tourisme cubain au Québec, un marché toujours singulier pour la Isla Grande.


En poste au Québec depuis juillet 2022, Michel Bernal Quicutis promeut Cuba depuis belle lurette. Autrefois directeur commercial au ministère cubain du Tourisme, il débarquait alors au Québec deux ou trois fois par année avec son ministre, pour informer les professionnels et leur permettre de mieux vendre la destination.

Après une dizaine d’années d’aller-retours de ce genre, l’actuel directeur du Bureau de tourisme de Cuba assure désormais la promotion de son pays au Québec depuis ses bureaux de la tour Transat, à Montréal. Au début du mois, nous l’avons rencontré pour lui poser quelques questions.

Profession Voyages : Depuis plusieurs années, Cuba a fait le choix de maintenir deux représentations touristiques au Canada : l’une à Toronto, l’autre à Montréal. Est-ce toujours justifié?

Michel Bernal : Tout à fait. Les Québécois ont un comportement différent de celui des autres Canadiens. Les hôteliers cubains nous disent qu’ils sont plus chaleureux, plus latins, plus portés à entrer en contact avec les Cubains et qu’ils ont tendance à donner plus d’importance à leurs relations avec eux. Ils s’y font d’ailleurs plus souvent des amis, y compris auprès du personnel hôtelier, ce qui les incite à revenir d’année en année aux mêmes endroits. Cette réalité n’est pas étrangère au taux de retour élevé de 49 % des Québécois à Cuba, d’ailleurs. Tout ceci nous amène donc à trouver des approches différentes pour présenter la destination auprès de cette clientèle singulière, qui compte pour la moitié des visiteurs canadiens à Cuba.

PV : Qu’en est-il de la performance du tourisme cette année, d’ailleurs?

MB : Nous espérons dépasser le million de visiteurs canadiens. À date, notre meilleure année a été 2015, où nous avons accueilli 1,3 million de Canadiens. Ensuite, les arrivées oscillaient entre 1,1 et 1,3 million de personnes. De façon générale, on pense atteindre un total de 2,3 millions de visiteurs provenant de tous nos marchés, à la fin de 2023. Mais il y a encore du travail à faire pour retrouver les 4,75 millions de touristes de 2019. Et si ce n’avait été de la pandémie, nous aurions sans doute atteint les 5 millions de touristes en 2020.

 

PV : Les agents de voyages y sont-ils pour beaucoup dans l’achalandage des Québécois à Cuba?

MB : Bien sûr. Même que beaucoup d’agents de voyages vont à Cuba pour passer leurs vacances personnelles, et au retour, ils parlent souvent de leur séjour, et ça nous aide énormément. Quand je parle de Cuba en bien, c’est évidemment bon pour le tourisme, mais quand ça vient des agents de voyages, c’est encore mieux.

 

PV : La clientèle québécoise a-t-elle changé ces dernières années? Recherche-t-elle toujours la même chose à Cuba?

MB : Comme par les années passées, c’est d’abord et avant tout pour la plage que les Québécois de tout âge viennent toujours à Cuba. En plus d’être splendides, elles sont toujours exemptes d’algues sargasses – au pire y a-t-il des algues pendant une journée, après une tempête. Pour les nouvelles générations, le besoin d’être constamment connecté est aussi vital. Ils veulent poster sur les réseaux sociaux, consulter leurs messages, échanger avec leurs proches. C’est pour ça que nous avons beaucoup investi dans le Wi-Fi, maintenant disponible dans tous les hôtels, parfois même à la plage de certains d’entre eux, comme à Varadero, Cayo Coco, Holguin, Santa Clara… Sinon, dès l’arrivée à l’aéroport dans plusieurs hôtels, on peut se procurer une carte SIM qui permet d’avoir accès à ses données dans toute l’île, pour environ 30 $ pour un mois.


Cayo Levisa, Cuba © Alexander Schimmeck


 PV : En quoi se démarquent les envies des jeunes générations de visiteurs, à Cuba?

MB : Ils sont plus actifs et davantage en quête d’activités et d’expériences. C’est pourquoi nous nous sommes rapprochés d’Enjoy Travel Group, un voyagiste réceptif espagnol qui travaille depuis longtemps à Cuba et qui vient d’ouvrir un bureau à Montréal. Celui-ci propose des tours guidés et des visites organisées pour de petits groupes ou des voyageurs individuels, que ce soit en voiture, en vélo, à cheval ou autrement. Enjoy organise des rencontres ou des repas avec des Cubains, des nuitées en casa particular, et toutes sortes d’expériences au départ de leur hôtel ou dès l’arrivée à l’aéroport. C’est très apprécié des jeunes couples ou des groupes d’amis en vacances.

 

PV : Y a-t-il d’autres forfaits ou produits qui plaisent aux nouvelles générations de visiteurs?

MB : Il y a aussi les hôtels Encanto, qui sont de petits établissements situés dans de belles résidences ou de jolis immeubles dans les villes et villages coloniaux, et où les propriétaires s’occupent directement des clients. C’est très populaire auprès des Européens, et de plus en plus auprès des Québécois. Il y a aussi la chaîne Iberostar qui propose désormais des forfaits « road trip » entre certains de ses hôtels.

 

PV : On se rappelle tous de l’effet « Buena Vista Social Club », il y a plusieurs années. La musique exerce-t-elle toujours un attrait chez les visiteurs, à Cuba?

MB : Tout à fait. Beaucoup de gens viennent à Cuba pour ça, et l’offre est plus que jamais diversifiée grâce aux Maisons de la musique qui ont été inaugurées dans plusieurs villes. À tous les soirs on peut assister à des prestations de musiciens, de trios, de petits groupes, et les clients peuvent même participer, parfois. Ça marche très bien, et c’est particulièrement fort à La Havane, à Trinidad et à Viñales.


Habana Vieja, Cuba © Diego Gennaro


 PV : Y a-t-il plus de demande pour des séjours l’été, de la part des Québécois?

MB : Oui, mais la progression est lente et c’est toujours l’hiver qui demeure la saison la plus populaire. Le problème, c’est qu’en dehors des plages, beaucoup d’agents de voyages ne savent pas quoi proposer aux Québécois, après le mois de mai, quand il n’y a plus de forfaits avec les voyagistes. C’est pour cette raison que nous voulons développer nos relations avec des réceptifs comme Enjoy Travel Group, et que nous encourageons les agents de voyages à les contacter dans ces cas-là.

 

PV : Quelles sont les dernières régions à avoir été développées?

MB : Récemment, c’est à Cayo Paredon et Cayo Cruz, près de l’aéroport de Cayo Coco, que se sont concentrés nos efforts. C’est un site paradisiaque, avec quelques établissements et des plages plus intimes, où se trouvent les hôtels Aston et Grand Aston Cayo Paredon ainsi que le premier hôtel de la chaîne portugaise Vila Galé, mais aussi le Valentine Cayo Cruz et l’Iberostar Coral Esmeralda, à Cayo Cruz. Quand les vacanciers arrivent là, ils ont droit à des kilomètres de plages et ils se sentent souvent seuls au monde. C’est très reposant, très luxuriant aussi.


Vila Galé Cayo Paredón


PV : Quelles sont les nouveautés notables à Cuba, ces dernières années?

MB : À Trinidad, l’hôtel Melia qui avait été inauguré en 2019 a été relancé cette année, après la pandémie, et les agents de voyages qui l’ont visité sont tous tombés sous le charme. À Cayo Largo, la chaîne canadienne Blue Diamond, propriété de Sunwing, gère plusieurs hôtels (Memories, Royalton, etc.) et a rénové les infrastructures de cette destination, des hôtels à l’aéroport. Sunwing a mis plusieurs vols en place au départ de Montréal, Québec et Toronto et l’État cubain lui a accordé une licence pour lui permettre d’approvisionner la destination en denrées alimentaires, ce qui permet d’y garantir l’approvisionnement. D’autres semblables licences ont été accordées pour d’autres hôtels ailleurs à Cuba, et dans un proche avenir, d’autres aéroports desservis par le Canada seront également bien approvisionnés en denrées alimentaires.

 

PV : Et où aimeriez-vous voir Cuba se développer au cours des prochaines années?

MB : J’aimerais qu’on s’intéresse plus à La Havane. Après le 30 avril, il n’y a plus de vols depuis le Canada, alors que c’est une destination qui se visite bien à l’année. Mais puisque La Havane est située près de Varadero, les voyagistes préfèrent atterrir là-bas et offrir La Havane en excursion. Or, ce serait bien de pouvoir offrir des combos ville-plage : 2-3 nuits à La Havane pour la culture et pour faire la fête, et 4-5 nuits à Varadero pour relaxer (ou récupérer!). C’est d’autant plus approprié qu’à Cuba, c’est très sécuritaire partout, on peut fêter et rentrer tard dans la nuit sans craindre d’avoir des problèmes. Et il y a de très bons hôtels à La Havane, comme le Royalton et le Kempinski, par exemple. L’idée est lancée!


Royalton Habana