Dans sa première entrevue en tant que nouveau directeur général et PDG de l’IATA, Willie Walsh a souligné l’importance du nouveau Travel Pass de l’IATA, affirmant qu’il jouera un « grand rôle » dans l’ouverture des frontières.
Interrogé par Graham Newton pour l’IATA, Willie Walsh, qui a succédé à Alexandre de Juniac en mars dernier, a appelé à la numérisation des preuves de tests et de vaccins, car cela fera probablement partie des démarches obligatoires pour voyager dans un avenir proche.
« Vous ne pouvez tout simplement pas avoir des gens qui font la queue à un comptoir d’enregistrement ou à un centre de dépistage avec un tas de papiers à lire et à vérifier », a-t-il déclaré. « Le temps de traitement rendrait impossible le bon fonctionnement des aéroports ».
Le Travel Pass de l’IATA a été dévoilé pour la première fois fin 2020 comme un moyen de gérer et de vérifier les données sur les tests ou les vaccins entre les gouvernements, les compagnies aériennes, les laboratoires et les voyageurs. Singapore Airlines a récemment terminé les essais du Travel Pass, et d’autres compagnies aériennes comme Emirates, Etihad, Copa et Air New Zealand testent actuellement ce dispositif.
Soulignant que l’ouverture des frontières est un « défi immédiat et important à relever », le Travel Pass de l’IATA permettra de maintenir le libre-service, et c’est ce que souhaitent les voyageurs, a déclaré Willie Walsh.
« L’application doit convenir aussi bien aux voyageurs qu’aux autorités. Cela signifie qu’il faut veiller au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles. L’IATA fournira les éléments nécessaires afin que les compagnies aériennes et les gouvernements disposent des informations dont ils ont besoin, mais les données appartiennent aux passagers et ils auront le contrôle total sur ceux à qui elles seront transmises. »
« Une solution telle que celle-ci est un moyen idéal pour l’IATA. Chaque compagnie aérienne devra s’occuper des tests et des vaccins, il est donc logique de le faire une fois pour toutes et de le mettre à la disposition de tous », a-t-il ajouté.
VOICI D’AUTRES EXTRAITS DE L’ENTREVUE
Pouvez-vous nous donner un aperçu personnel de ce qu’a été l’année dernière pour un patron de compagnie aérienne ?
Cela a été la période la plus difficile et la plus éprouvante de l’histoire de l’entreprise. Nous comparons toujours une crise en cours à des événements du passé, mais celle-ci est sans aucun doute la plus difficile. L’aviation internationale a été fermée pendant 12 mois. C’est sans commune mesure.
Au début, on pensait que seuls les voyages à destination et en provenance de la Chine seraient perturbés. C’était important mais pas insurmontable pour la plupart des compagnies aériennes peu exposées.
Fin février, il est apparu clairement que la pandémie était devenue mondiale et qu’elle affecterait toutes les compagnies aériennes. Et en mars, les voyages ont été complètement interrompus. Nous avons eu une série de faux départs pendant l’été dans l’hémisphère nord, mais ils n’ont jamais duré longtemps.
Je connais de près les défis auxquels ont été confrontés les PDG du secteur pendant cette crise. Nous devions nous préoccuper de nos employés – malades ou en congé pour qu’ils s’occupent de leurs amis et de leur famille. Et l’on supposait que les fournisseurs auraient les mêmes problèmes. Tous les PDG des compagnies aériennes réfléchissent encore à ce qu’ils peuvent faire de plus dans ce domaine.
Pour l’entreprise, il a fallu se concentrer sur la situation de la trésorerie. Souvent, cela signifiait augmenter la dette de la compagnie aérienne pour obtenir plus de liquidités.
Les compagnies aériennes qui ont survécu ont dû réduire leurs coûts au-delà du simple fait de ne pas voler. Et la situation de la dette de l’industrie est stupéfiante, au-delà de 650 milliards de dollars. Il faudra beaucoup de temps pour rembourser tout cela.
Mais cette industrie est résiliente. Nous avons déjà connu des changements structurels. Ce que nous faisons le mieux, c’est relier les gens et les économies en toute sécurité. Nous servons bien nos clients et ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’il existe une forte demande de voyages. Lorsque nous pourrons à nouveau voler, il y aura des clients à servir. Je suis optimiste.
L’industrie aurait-elle pu être mieux préparée ?
L’industrie n’aurait pas pu faire beaucoup plus. Elle a réagi rapidement et les mesures qu’elle a prises ont été les bonnes. Le fait que nous ayons encore des compagnies aériennes en est la preuve.
Les compagnies aériennes ont anticipé le bouleversement que cela allait impliquer, mais personne n’avait imaginé un arrêt complet. Ni qu’il aurait fallu un an avant que nous puissions ne serait-ce qu’envisager de couvrir seulement 40 % du réseau de 2019. Pourtant, cela semble être le mieux que nous puissions espérer cette année. Et cela n’a jamais figuré dans aucun plan d’urgence.
Comment le secteur de l’aviation va-t-il évoluer ?
Les aides financières du gouvernement ont en grande partie été sous forme de prêts, donc la dynamique de la relation entre le gouvernement et l’industrie n’a pas fondamentalement changé. Tout sera toujours géré sur une base commerciale. Pour réussir, il faudra toujours offrir au client le bon service au bon prix. L’aviation est brutalement concurrentielle, et elle le restera.
La meilleure façon pour les gouvernements de récupérer leur argent est de laisser les compagnies aériennes faire ce qu’elles font le mieux, c’est-à-dire bien servir les clients. Intervenir dans ce domaine risque de rendre le secteur inefficace et peu performant.
Le secteur va changer dans la mesure où les compagnies aériennes et les réseaux seront plus petits. Ils seront prudents pendant de nombreuses années. Je ne pense pas que nous verrons les mêmes réseaux qu’en 2019. De nombreux itinéraires deviendront difficiles à justifier pour les compagnies aériennes individuelles.
Zoom et Microsoft Teams auront peu d’impact. La technologie a été un grand facilitateur, mais elle ne remplacera pas le désir de se rencontrer en personne. Plus nous avons utilisé Zoom, plus nous en sommes venus à le détester. Après un an de réunions en ligne, nous avons tous eu ce sentiment ! La technologie ne doit pas nous posséder, et personne ne voudra rester assis devant un ordinateur portable toute la journée, tous les jours, pour le reste de sa vie. Le travail à distance sera sans doute présent dans une certaine mesure, mais il ne fait aucun doute que nous reviendrons au travail dans un bureau et à la rencontre des gens.
Plus important encore, vous ne pouvez pas étreindre vos amis ou votre famille sur Zoom.
Nous allons donc revenir à la normale de manière mesurée et raisonnable. C’est ce que tout le monde souhaite.
Comment les gouvernements peuvent-ils faciliter le redémarrage de l’industrie ?
Nous devons travailler avec les gouvernements de manière structurée et montrer qu’il existe des mesures permettant de relancer les voyages internationaux en toute sécurité.
Évidemment, le déploiement du vaccin est extrêmement important. Nous savons que chaque pays sera à un niveau différent. Mais il ne s’agit pas d’une compétition. Il s’agit d’un problème mondial, et nous devons faire en sorte que les vaccins soient facilement accessibles à tous. C’est la meilleure solution pour tirer parti des voyages internationaux. Cela prendra du temps.
Nous savons également que le test PCR est désagréable et coûteux. Il existe d’autres méthodes de test moins coûteuses, tout aussi fiables et qui fournissent des résultats plus rapidement. Nous avons besoin de tests qui soient sûrs, fiables, efficaces, bon marché et sécurisés. Cela est possible.
Bien sûr, la situation s’améliorera au fil du temps. Mais il est essentiel de commencer dès maintenant afin de rendre le processus de voyage réalisable. De l’enregistrement à l’immigration, nous avons besoin de processus numériques, normalisés et acceptés par tous.
Source : Groupe Travelweek/Profession Voyages
Traduction : Emmanuelle Bouvet