«Pour la millionième fois, donnez-nous un plan»: Frustration des professionnels du voyage alors qu’Alghabra et Trudeau parlent des voyages

12 mai 2021 – Le ministre des Transports, Omar Alghabra, a déclaré hier que, bien que des plans soient en cours d’élaboration pour la reprise des voyages, il n’y a toujours pas de calendrier, car tout dépend des directives de santé publique.

Hier, le premier ministre Justin Trudeau a également déclaré, lors de son intervention sur la COVID-19, que 75 à 80 % des Canadiens devraient avoir reçu au moins une dose du vaccin contre la COVID-19 avant que les mesures de santé publique puissent éventuellement être assouplies, sans donner plus de détails.

Pendant ce temps, l’industrie canadienne du voyage entre dans son quinzième mois avec des voyages pratiquement au point mort, et avec des programmes d’aide financière vitale comme la SSUC et la PCRE qui cesseront bientôt. Tout cela se déroule alors même que le Royaume-Uni, l’UE et d’autres pays ont présenté des plans de réouverture, ce qui a incité Air Canada, le CNLA et d’autres à demander un plan de réouverture au Canada.

Notre rédaction a demandé aux agents et aux prestataires de voyages s’il était suffisant que le gouvernement fédéral dise simplement « nous y travaillons » sans offrir un plan de réouverture avec des repères et des objectifs multiples et quantifiables.

« Il ne suffit absolument pas de dire ‘nous y travaillons’. Le problème ici n’est pas le ‘travail en cours’ mais le manque total de transparence », déclare Brett Walker, GM, Collette (Canada).

« JE COMPRENDS L’ANXIÉTÉ ET LE SENTIMENT D’URGENCE » : ALGHABRA

Le ministre Alghabra s’est exprimé lors d’une séance de questions-réponses hier, après avoir annoncé que les aéroports du Canada recevraient un financement de quelque 740 millions de dollars dans le cadre de la pandémie.

« Le travail de reprise du secteur du voyage a commencé, il se poursuit en ce moment même », a-t-il déclaré, ajoutant que la reprise sera sûre et progressive. Comme beaucoup d’éléments dépendent des directives de l’Agence de santé publique du Canada, « je ne peux pas vous donner de délai », a déclaré M. Alghabra. « Mais nous faisons tout le travail préparatoire pour cela ».

Plus tard, il a dit : « Je sais que c’est frustrant pour de nombreux acteurs et opérateurs de l’industrie. Je comprends l’anxiété et le sentiment d’urgence. Nous voulons redémarrer. Le défi reste le calendrier. Tout ce que je peux dire, c’est que ces mesures sont temporaires. Nous allons assister à un assouplissement progressif de ces mesures. »

La semaine dernière, dans une déclaration publiée après la réunion des ministres des transports du G7, le ministre Alghabra a confirmé qu’une approche coordonnée pour le test de COVID-19 et un système de certificats de vaccination seront au cœur du plan de redémarrage des voyages des pays du G7, dont le Canada.

« Nous sommes en train de prendre un tournant important », a-t-il déclaré hier, en parlant du déploiement de la vaccination au Canada, où 40 % des Canadiens ont maintenant reçu au moins une dose et où le pays est en voie de respecter l’échéance de septembre 2021 pour la vaccination complète. « Je suis très optimiste quant à ce redémarrage. Mais le calendrier reste difficile à prévoir, et je ne veux pas susciter d’attentes chez les gens. Nous voulons faire les choses au bon moment et mettre en place les bonnes mesures » avant la levée des restrictions, a-t-il déclaré.

Le ministre Alghabra a également parlé des mesures d’aide financière du gouvernement fédéral pour Air Canada, annoncées le 12 avril, et Transat, annoncées le 29 avril. Les ententes avec Air Canada et Transat étaient de bonnes nouvelles à plusieurs égards, notamment pour les agents de voyages : « Nous avons fait en sorte que les agents de voyages n’aient pas à rembourser leurs commissions ». Il a également confirmé hier que des pourparlers avec d’autres intervenants de l’industrie, notamment les compagnies aériennes, sont en cours : « Nous sommes en pleine discussion avec d’autres compagnies aériennes ».

Image : Omar Alghabra, ministre des Transports 

TRUDEAU: « IL Y A DES MOMENTS OÙ DES VOYAGES ESSENTIELS SONT NÉCESSAIRES »

Hier, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré lors de son intervention sur la COVID-19 qu’un « été à une dose » pourrait au moins permettre un certain assouplissement des restrictions ici au Canada, et que si tout va bien, un « automne à deux doses » pourrait permettre au pays de commencer à retrouver une vie normale.

Et pour obtenir un « été à une dose », deux choses doivent se produire : « Les cas doivent baisser considérablement, et au moins 75 % des Canadiens doivent avoir reçu leur première dose. » Trudeau avait été interrogé sur les plans de réouverture après celui récemment publié par la Saskatchewan.

La semaine dernière, Justin Trudeau a répondu « peut-être cet été, si tout va bien », au sujet des voyages des Canadiens, mais il n’a pas précisé s’il s’agissait de voyages internationaux ou de voyages au Canada.

Hier, Justin Trudeau a également été interrogé sur ses propres projets de participation au sommet des chefs d’État du G7 qui se tiendra au Royaume-Uni le mois prochain. Il s’est demandé si son voyage au Royaume-Uni et le récent voyage du ministre Garneau, alors que l’avis du Canada contre les voyages non essentiels est toujours en vigueur, ne constituent pas un message contradictoire pour les Canadiens.

« Nous continuons à insister sur la nécessité des voyages essentiels », a-t-il répondu. « La question reste toujours de savoir ce qu’est un voyage essentiel. Nous avons fermé la frontière il y a plus d’un an. Les voyages aériens ont diminué de 95 %. Il y a des moments où les voyages essentiels sont nécessaires et ces décisions seront prises. »

Il a également déclaré que tous les protocoles de quarantaine seraient suivis « car personne n’est exempté ».

RÉACTIONS DU SECTEUR

Nous avons interrogé des agents et fournisseurs de voyages sur leurs réactions quant à l’arrêt des voyages au Canada, qui dure depuis 14 mois et plus, et le manque de transparence sur les plans du gouvernement.

« Quelle que soit la raison, ce n’est pas une raison du tout ! Les gouvernements seront finalement jugés sur la base de ce que nous savons du présent – à un moment donné dans le futur. C’est leur sort, mais malheureusement le destin de notre industrie se décide aujourd’hui, et il repose entièrement sur deux choses – un plan et la transparence du plan », a déclaré Walker de Collette.

Walker ajoute : « Le Royaume-Uni et d’autres pays ont renforcé le soutien à la réouverture en s’assurant, avant tout, que les politiques économiques, sociales ou plus généralement publiques favoriseront la santé publique. Cela étant considéré intouchable, ils ont fait participer les parties prenantes, encouragé la transparence et fourni des données afin d’obtenir le meilleur consensus possible et, si j’ose dire, des résultats politiques. »

« Nous savons tous que le chemin qui nous attend peut prendre de nombreux tournants. S’il y a une certitude, c’est que ce chemin VA prendre de nombreux tournants ! Notre industrie sait mieux que quiconque comment gérer l’incertitude lorsqu’elle en a les moyens. Un virage par-ci, un virage par-là. Aucun plan n’est parfait, loin de là. Mais aucun plan du tout est complètement incorrect. »

« Ne pas planifier, c’est planifier l’échec. Choisir de ne pas planifier ou que ce droit nous soit retiré revient au même. Si nous ne pouvons pas planifier pour nous-mêmes, alors, au minimum, nous avons besoin que le gouvernement nous fournisse un plan. Cela fait 14 mois que les frontières ont été fermées et le fait que le gouvernement dise qu’il « y travaille » est tout sauf utile. C’est terriblement inadéquat et honteux. »

« Pour la millionième fois – donnez-nous un plan ! »

Robert Townshend, président de Total Advantage Travel & Tours, est d’accord. «  ‘Nous y travaillons’ n’est pas suffisant. Cela fait plus d’un an que nous entendons cela. Tant d’autres pays dans le monde ont mis en place leurs plans de réouverture. Pourquoi mettons-nous autant de temps à élaborer un plan ? L’industrie a été si durement touchée que nous avons besoin d’une perspective d’avenir. Même si le plan prévoit une réouverture lorsque les chiffres atteindront un certain niveau, nous saurons au moins où nous allons et nous aurons à l’esprit un objectif à atteindre ».

Townshend ajoute : « J’en ai assez de tout le flou que le gouvernement nous a donné concernant l’ouverture. Nous avons besoin d’une stratégie claire sur la façon dont le Canada entend aller de l’avant. »

En somme, le manque de transparence du gouvernement est « inacceptable », déclare Zeina Gedeon, PDG de TPI.

« Nous avons eu 15 mois, si ce n’est plus, pour proposer un plan d’ouverture des frontières, de quarantaine, de séjours de trois jours à l’hôtel, etc… Malheureusement, chaque fois que nous faisons un pas en avant avec le gouvernement, ils font ensuite 10 pas en arrière », déclare Gedeon à notre rédaction. « Notre industrie est restée dans l’obscurité pendant trop longtemps, 15 mois, et cela affecte les agents, les propriétaires d’agences et les voyagistes. Il est essentiel que le gouvernement partage avec nous les détails de son plan avec des échéances. »

« Nous avons besoin qu’il nous montre qu’il y a une lumière au bout de ce sombre tunnel. »

Source : Kathryn Folliott pour le groupe Travelweek/Profession Voyages

Traduction : Emmanuelle Bouvet